depression-eolepsy
Psycho-Savoirs

Tu as tout pour être heureux(se)… et pourtant : La Dépression.

Il nous est tous arrivé de faire un coup de déprime, un coup de blues. Etait-ce de la dépression? Est-ce cette maladie que l’on croise souvent sans la comprendre? Il est réellement difficile de comprendre ce qu’elle conditionne et la souffrance qu’elle occasionne. Nous avons tous croisé une personne  prostrée dans ses pensées noires et pessimistes et eu la pensée: « Pourtant, il (elle) a tout pour être heureux(se) ».

 
Oui, la dépression est un problème de santé mentale et c’est certainement la plus répandue et la moins bien traitée. Non pas qu’il n’existe pas de traitement, bien au contraire, mais  la honte et la mauvaise connaissance de cette souffrance, associées aux difficultés de prise en charge psychologique (délais et remboursements), font que c’est bel et bien un fléau.
 
 

QU’EST CE QUE LA DEPRESSION?

 Commençons par une métaphore avant d’avancer plus précisément sur cette souffrance si fréquente (3 millions en souffrent en France et une personne sur trois en souffrira, d’une manière plus ou moins sévère dans sa vie)

La dépression c’est comme tomber en rade, les pneus à plats, sur l’autoroute pourtant (plus ou moins bien) bien tracée de sa vie. On erre sur la bande d’arrêt d’urgence, en dé-pression et on regarde les autres filer à vive allure vers un bonheur certain… sans savoir que beaucoup sont comme nous, que même ces gens qui filent se retrouveront peut être eux aussi sur la bas coté. Les causes peuvent en être multiples :

  • vous avez roulé trop vite et usé vos pneus ? Vous êtes crevé.e
  • vous n’avez pas remis de pression depuis un moment (en manque de repos, sommeil..etc)
  • vous avez peut- être été victime d’un acte malveillant qui a pu vous crever les pneus et voir partir votre souffle vital (ou d’un malheureux clou du sort).
  • Il se peut aussi que votre itinéraire ne soit pas adapté au but fixé (comme être comptable alors que vous rêviez de nature, ce que l’on appelle un conflit de valeur).
  • Vous vous êtes dégonflé.e et avez refusé de sortir votre auto du garage (le repli sur soi) et avez besoin de changer l’air vicieux (les idées noires)
  • Enfin, à avoir honte ou peur de tomber en panne sèche, on ignore les éléments précédents. Le Tabou.

Ce pourrait être ça la dépression. J’ai dit pourrait car bon nombre d’autres explications pourraient être trouvées,  sauf qu’en aucun cas,  cette atteinte de sante mentale ne mérite une telle omerta.

Sans passer par des détours voici maintenant la définition « clinique » : La dépression est un trouble psychique stable sur une période de  quinze jours et comportant les symptômes suivants:
 
1 Humeur dépressive
2 Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir
3 Insomnie
4 Ralentissement psychomoteur
5 Fatigue
6 Sentiment de dévalorisation et de culpabilité
7 Diminution de l’aptitude à penser et à se concentrer
8 Pensées concernant la mort
La présence de trois symptômes dans cette liste signifie la présence d’une dépression. Afin de connaitre l’intensité de celle-ci nous utilisons le questionnaire suivant.
Plus concrètement: La personne possède une humeur morose, suite à un événement pénible ou bien une fatigue de longue date. Elle se réveille vers 4 heures du matin et ne peut plus se rendormir. Cette insomnie ne fait qu’aggraver la fatigue et rend le démarrage de plus en plus difficile. Des idées négatives ont envahi son esprit, sur elle « je suis nulle », « je suis moche »; sur les autres « j’embête tout le monde, personne ne fait attention à moi »; sur l’avenir « je n’ai pas d’avenir ». Ces idées pessimistes alimentent sa dépression. Sa libido est également en berne.
La différence entre un coup de déprime et une dépression tient en l’intensité, la durée ainsi que la souffrance et le handicap subis. Oui, il est alors possible de parler de handicap car cette souffrance cause alors une perte d’efficacité au travail, dans la vie familiale…etc. Cette humeur dépressive se distingue du coup de blues par son côté stable, global (touchant tous les domaines de vie) ainsi que par la façon dont la personne s’attribue la responsabilité de tout ses malheurs. 
 
En quelques mots : « Noir c’est Noir »

QUELLES SONT LES CAUSES DE LA DÉPRESSION

 
Il n’existe pas de cause unique. Il s’agit plutôt d’une combinaison de facteurs. Une physiologie particulière (la biologie) avec une histoire particulière (traumatisme) ou un tempérament (pessimisme) dans un environnement particulier (stress au travail) explique le déclenchement d’un épisode dépressif.
Il y a plusieurs types de dépression:

– Dite « réactionnelle »:

 
Un ou plusieurs événements entrainent une souffrance importante et la maladie s’installe progressivement en plusieurs mois. C’est que l’on appelle également « burn out » dans le milieu du travail quand un stress, une pression, dure et épuise la personne jusqu’à ce que la dépression s’installe.
  Schéma réaction de stress:

– Dite « Dysthymie »

 
Elle peut s’installer en plusieurs années et constituer un mode de vie. Une fatigue permanente et des idées noires caractérisent cette forme.


– Dite « Trouble Bipolaire »


Cette forme est plus particulière et méritera un article complet. Elle comporte des phases dépressives et des phases euphoriques. Ces phases d’hyperactivités sont marquées par un optimisme, de la joie, une insomnie sans fatigue. Cette forme est plus génétique et semble être due à un dysfonctionnement cérébral.

COMMENT FAIRE FACE?

LES MEDICAMENTS

Si votre médecin a diagnostiqué chez vous une dépression, il est normal que celui ci vous prescrive des antidépresseurs. Ceux ci agissent en rééquilibrant la quantité de substance chimique  (neurotransmetteurs) qui crée la dépression. C’est un traitement qui est efficace au bout d’une quinzaine de jours. Le but de cet article n’est pas de vous expliquer le principe en détail mais sachez qu’en cas de dépression sévère il est bien souvent nécessaire de prendre des antidépresseurs.
 
Or, les études scientifiques montrent qu’ils ne soignent pas totalement cette maladie. En effet, les symptômes s’améliorent sous traitement mais reviennent parfois, une fois celui ci arrêté. Ces même études montrent que les TCC font jeux égal avec les médicaments mais que les deux associés donnent des résultats encore meilleurs! Car il durent.
 
Pour illustrer mon propos: la TCC vous apprends à nager au milieu de cette mer sombre. Les antidépresseurs font l’effet d’une bouée facilitant l’apprentissage. Ainsi l’apprentissage réalisé, nous pouvons dégonfler cette bouée pour vous laisser nager par vous même. C’est grâce à ce principe d’apprentissage que les bénéfices des TCC durent dans le temps: On ne désapprend pas. Donnez une bouée à quelqu’un, il nage. Enlevez là lui, il coule.
 
Je n’ai pas eu l’occasion de traiter de ma vision de ces traitements. Voici chose faite. Je terminerai par un proverbe qui m’est cher et tombe à propos:
 
Si tu donnes du poisson à un Hômme tu le nourris pour un jour, si tu lui apprends à pêcher, tu le nourris pour toujours » Lao Tseu.

LA TCC

OBSERVER, L’analyse fonctionnelle

En Thérapie Cognitive et Comportementale, la première chose est de comprendre sa dépression. Oui, Sa dépression car a chacun son passé, ses traumatismes, ses pensées et ses émotions. Un temps d’analyse s’impose; nous l’appelons  l’analyse fonctionnelle.
En somme elle consiste à s’auto-observer à l’aide de la  fiche suivante.
 
Situation déclenchante
Émotions, Sensations ressenties
Pensées associées
Conséquences
« ce que je fait »
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Elle vise à repérer les situations déclenchantes, les pensées noires ainsi que les émotions associées et les comportements conséquents. Ceci  nous permet de mieux orienter les outils à utiliser pour sortir la personne du cercle infernal de la dépression. C’est en quelque sorte la carte d’identité du trouble dépressif. Soit par exemple:
 
Situation déclenchante 
Emotions, Sensations ressenties
Pensées associées
Conséquences
« ce que je fait »
Je rate un gâteau
Boule dans le ventre, Tristesse, Colère
« Je suis un incapable »
« Je rate toujours tout »
Je me replie sur moi
et ne fais plus la cuisine
 
 

Imaginez cette situation étendue à des dizaines de fois par jour….les pensées deviennent peu à peu comme une évidence.

 
Une pensée n’est plus qu’une pensée: c’est la réalité
 
L’analyse fonctionnelle est déjà le début de la thérapie car il est souvent difficile pour la personne d’identifier ses émotions (joie, tristesse, colère, mépris, dégout, peur, surprise), de reconnaitre une pensée automatique (une pensée spontanée « je suis nul » par exemple) ainsi que leur aspect toxique et enfin d’identifier la baisse d’activité. Tout ceci se mélangeant bien souvent.

 

LA THERAPIE COGNITIVE, ou comment acheter des roses plutôt que des pensées et des soucis.

La thérapie cognitive s’intéresse à la façon dont nous interprétons les choses, ce que nous nous disons à propos des événements qui se présentent à nous. Comme vous l’aurez compris la personne dépressive a une interprétation erronée ou du moins partielle des choses: « le verre à moitié vide ».
 
Ainsi, après avoir saisi le caractère nocif de certaines pensées nous allons l’entrainer à repérer les erreurs de jugement.
Par exemple, la pensée « je suis nul, je rate toujours tout » pourraient être discutées comme ceci:
 
Avez-vous toujours raté? Ne voyez vous aucun motif de succès? Ou bien, quel sont les conséquences de penser je suis nul avant de commencer ce travail important?
 
C’est donc un travail de distanciation et de critique de ses pensées que la personne réalise avec l’aide du thérapeute. Cette recherche se fait toujours à deux, les solutions sont celles que la personne apporte, pas celles que le thérapeute lui offrirait (apprendre à pêcher..etc). C’est ce qui permet aux TCC d’être aussi proches du patient.
 
 

 

 

RE-ACTIVER, l’appétit vient en mangeant

Comme nous l’avons vu, l’autre motif d’aggravation ou de maintient est la baisse voire la disparition d’activités qui confirme le schéma pessimiste « je ne suis bon à rien ». Le principe ici va être de retrouver le gôut de l’activité pour faire augmenter la confiance en soi.
Certes, il est difficile de bouger lorsque l’on est au fond de son lit mais le travail thérapeutique va être d’organiser des activités dites de « maitrise et plaisir » 
 
Concrètement, la personne note les activités réalisées et note à la fin la maitrise avec laquelle elle a réalisé celles-ci ainsi que le plaisir ressenti (entre 0 et 10). Ceci renforce alors la capacité à réaliser les choses ainsi que la capacité à éprouver du plaisir.
 

Par exemple:

 
Lundi matin, Marche 30min, Maitrise 8/10, Plaisir 7/10
Mardi matin, Cuisine, Matrise 9/10, Plaisir 10/10…etc.
 
Ceci se rapproche des 3 Kifs par jour de Florence Servan-Schreiber. En effet, s’entrainer à réaliser ou percevoir 3 événements positifs par jour participe à la rémission de la dépression.
 
Ces exercices prennent racines dans la philosophie antique: L’hédonisme épicurien. J’aurai l’occasion  de vous entretenir d’épicure dans un article dédié au plaisir (Sans plaisir, pas de thérapie). Comme nous l’avons vu la dépression fait perdre le gout du plaisir. Souvent, pour s’en sortir, les personnes cherchent à retrouver les plaisir passés. Mais d’une manière trop brusque, un peu comme un sportif de retour de blessure qui voudrait jouer trop rapidement et se reblesse.
 
La philosophie épicurienne nous enseigne à apprécier les plaisirs les plus simples. Se satisfaire d’une miche de pain, un broc d’eau et quelques amis. Se satisfaisant de peu nous évitons la frustration. Le plaisir devient alors accessible à tout moment. C’est de là qu’est tiré le fameux Carpe diem. Ainsi, pour trouver le plaisir, nous nous ré entrainons d’une manière progressive et avec des choses simples. J’y reviendrai donc.
Pour faire suite et terminer sur ce sujet, des études scientifiques démontrent ceci à propos de la méditation. lien  Emission France Inter sur la méditation.
Ainsi la méditation devient une réelle arme contre la dépression.
En somme, la méditation, tel l’hédonisme c’est se prendre au pur plaisir de respirer.
 
 
Finalement cette réactivation fonctionne comme un antidépresseur. Le fait de bouger et d’éprouver du plaisir permet au cerveau de sécréter de nouveau certaines substances essentielles comme le feraient des antidépresseurs. Sauf que là ce sont des antidépresseurs BIO! Et….gratuits 🙂

 

LA DEPRESSION EN ACT (thérapie d’acceptation et d’engagement): Sortir du ring

  Si vous n’avez pas lu ce qu’est la thérapie d’acceptation et d’engagement voici le lien:
En Act le principe n’est pas tant de changer ses pensées mais bel et bien son rapport à celles-ci. Plutôt que de lutter perpétuellement contre ses pensées au détriment de ce qui est important pour nous, pourquoi ne pas avancer avec elles, comme si nous nous entrainions à ne plus en tenir compte.
J’illustrerai cette idée comme ceci: Imaginez deux boxeurs au milieu d’un ring. Vous combattez vos idées noires. Vous tapez, tapez sans cesse, prenez même des médicaments pour soulager la douleur de ses coups. Vous avez pu expérimenter que le combat est vain mais vous continuez de taper ne sachant comment vaincre. Quel serait alors le moyen de faire cesser ce combat?
 
 

Sortir du ring.

 
La stratégie ici est plus de se décoller du scénario noir plutôt que de le changer. Ceci s’appelle la défusion cognitive.  
Des exercices vont permettre à la personne de reconnaitre le scénario formé par ces pensées noires. Et peu à peu à les considérer pour ce qu’elles sont: des pensées. Ainsi, au fil des séances l’on apprend à se décrocher de ses pensées (la défusion) pour ne plus subir les conséquences nocives de celles-ci. La pensée sans l’émotion, la dévalorisation…etc.
 

Exercice:

Comme chaque fin d’article un petit exercice afin de vous aider, en dépression ou non à composer avec vos idées noires.
 
Le cinéma ou comment se fait-on des films
 
 
 
  1. Quel serait le film noir que vous vous faites le plus souvent?
  2. Fermez les yeux et imaginez l’affiche que serait celle de votre film. Les caractères, les couleurs, le contenu de l’affiche. Observez également le climat, les émotions que suscite cette affiche, observez les pensées qui vous viennent à la vue de cette affiche.
  3. Observez ce bon vieux film, depuis combien de temps celui ci est à l’affiche de ce cinéma voire combien de séances sont données tous les jours.
  4. Observez cette affiche sur la devanture d’un cinéma. Observez maintenant les conséquences qui se sont produites la dernière fois que vous avez acheté un ticket pour ce film. Vous êtes là face à ce cinéma…vous avez alors la possibilité de tourner le dos à ce cinéma et de marcher loin de laisser ce film se dérouler sans vous.
  5. Une fois le cinéma derrière vous, notez vos sensations vos émotions. Acheter le ticket vous approche-s’il de la personne que vous souhaiteriez être?

Cet exercice peut être difficile à réaliser, il est souvent peu évident de lâcher de vieux compagnons de route… même peu recommandables.

Enfin, je ne peux aller plus loin l’exposé étant déjà bien assez fourni mais je ne saurais que trop vous conseiller de lire cette seconder partie qui vous expliquera comment la dépression peux être vu comme un passage, une métamorphose et pas seulement une pathologie dont on ne sort que meurtri. Ce que l’on appelle aussi la croissance post-traumatique et que les sociétés traditionnelles appellerais la métamorphose. Que quelque chose meure en nous pour que nous naissions à nous même.

 

Puisque je vais aller mal, je vais aller mieux ?

  1.  

 

Voilà, j’espère avoir été une nouvelle fois clair et compréhensible. J’espère également à avoir pu, par cette modeste contribution, faire naitre un espoir d’embellie chez certains. Comme d’habitude, vos remarques sont les bienvenues, par mail ou à l’aide de la partie commentaire de ce blog.

A bientôt

Yannick

Un livre à lire ?
 
Faire Face à la Dépression, Ivan Note et Charly Cungi
 

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.

Un commentaire

Laisser un commentaire