Psycho-Pratique

Respiraction. La respiration et l’anxiété en TCC

 
Ce mois-ci, voici un article qui aurait dû être écrit depuis le début, tant son sujet est omniprésent dans ma pratique: la respiration.
 

Je vous propose donc de comprendre comment celle-ci fonctionne ou dysfonctionne mais aussi comment nous l’utilisons en psychothérapie.
 
Avant d’explorer les liens entre la respiration et l’anxiété, voyons comment elle fonctionne « normalement » ou plutôt physiologiquement.
 
Comme vous le savez, la respiration sert à apporter l’oxygène au corps humain et à l’en débarrasser du gaz carbonique. Le diaphragme, lui, est LE muscle qui organise le mouvement respiratoire. Lorsqu’il se contracte, l’air entre dans les poumons. Lorsqu’il se relache l’air ressort: c’est la respiration dite « abdominale ». Ceci peut paraitre curieux mais la respiration s’effectue bien vers le bas. Lorsque le diaphragme se contracte, il descend et pousse ainsi les vicères (intestins, estomac…etc) vers l’avant de telle sorte que le ventre se GONFLE.
 
 
Il y a alors deux grandes respirations, la respiration abdominale (ou ventrale), comme nous venons de le voir, mais aussi la respiration thoracique. En effet, si nous avons besoin de plus d’air les muscles situés sur la cage thoracique (les pectoraux par exemple) tirent le thorax vers le haut et continuent de faire entrer de l’air. Cette respiration est dite accessoire car utilisée en complément de la respiration ventrale.
 
L’expiration, elle, est passive, le poumon se dégonfle tout seul mais est aussi active par l’intermédiaire des abdominaux qui, se contractant, appuient sur les vicères et aident le poumon à se dégonfler.
 
En résumé:
 
On inspire, le ventre se gonfle, on expire le ventre se creuse
 
 
 

 

La respiration abdominale, la clé de voute

 
En effet, cette respiration ventrale est une véritable clé de voute du corps humain. Ainsi, elle est très utilisée en chant, en arts martiaux, en relaxation ou méditation, et j’en passe. Le fait de souffler, creuser le ventre permet au corps de mieux vider ses poumons mais aussi d’augmenter la contraction des autres muscles (dos, jambes, bras).
 

Le carrefour psychologique et somatique

 
Si vous suivez ce blog régulièrement vous savez que la respiration est littéralement branchée sur nos réactions émotionnelles. Si ce n’est pas le cas vous pourrez lire cet article ( La cité de la Peur, Les troubles anxieux…. )
 La respiration est donc à mi-chemin entre le corps (la demande en oxygène) et le psychisme (la peur, les émotions). De telle sorte que l’un et l’autre l’accélèrent, la perturbent.
 
 

Pourquoi la respiration déraille ?

 
Lorsque nous avons peur, sommes anxieux ou encore lorsqu’une émotion nous submerge, notre corps déclenche une réaction de stress, une réaction de tension. Cette réaction est destinée à faire face à cette déstabilisation, soit amener de l’énergie pour fuir, se battre, ou s’immobiliser: C’est une réaction de survie. La respiration s’accélère donc pour fournir plus d’oxygène.
 
En résumé plus l’anxiété est forte, l’émotion intense, plus la respiration est perturbée, accélérée.
 
 
 

Alors quand est-ce que cela déraille?

 
Lorsque la respiration est à prédominance thoracique, haute.
 
La respiration haute suffit tout à fait pour apporter l’oxygène sauf qu’elle est censée être accessoire. Aussi, lorsqu’elle est utilisée principalement, on observe quelques désagréments. Tout d’abord, respirer tout le temps de manière haute occasionne de la fatigue musculaire, les muscles des épaules, n’étant pas faits pour travailler tout le temps; se fatiguent plus d’autant qu’ils doivent tirer sur une cage thoracique rigide. Ceci procure alors cette sensation d’oppression, de poids sur la poitrine. D’autre part, la respiration haute fait bien entrer de l’air mais a plus de mal pour le faire sortir du fait de l’absence de muscle expirateur important (comme le sont les abdominaux pour la respiration ventrale). Ça rentre mais ça sort mal!
 
J’inspire donc bien mais vide moins bien ce qui donne une respiration superficielle et une sensation de blocage ou une sensation d’étouffement. Alors, mon cerveau pense que je manque d’air et tire encore un peu plus sauf que de l’air j’en ai trop. Observez ce phénomène sur le schéma ci-après.
 
Une respiration haute combinée au stress ou à une angoisse intense conduit à une sensation de blocage, une « soif d’air »…tout le lot de sensations respiratoires désagréables.
 
Je respire mal, donc j’angoisse encore plus, un cercle vicieux se créer alors.
 

Pourquoi respire-t-on d’une moins bonne manière.

 
Je dis bien d’une moins bonne manière car la respiration thoracique fonctionne très bien, elle est simplement moins confortable. Lorsque j’entends « on m’a dit que je ne savais pas respirer » (imaginer le caractère anxiogène de cette phrase prononcée à une personne) cella me fait dresser les poils des bras. Tout le monde sait respirer, c’est inné, et heureusement, sinon certains seraient morts !!
 
Non, on peut plutôt dire je ne sais pas respirer d’une manière confortable ou par le ventre. Ce qui est déjà différent, vous en conviendrez.
 
Alors donc pourquoi?
 
La respiration haute est LA respiration de l’angoisse, du stress. Lorsque l’on est stressé l’on privilégie la respiration thoracique. En médecine chinoise c’est le feu, le soleil,  là ou l’abdomen symbolise la lune, la terre, le calme. La respiration peut être également déséquilibrée par un mauvais schéma corporel. Il est effectivement plus logique de penser que la respiration se fait par le thorax, localisation des poumons.
 
 

Une cause plusieurs conséquences

 

L’Attaque de panique

 
Je suis anxieux, je respire mal donc je suis anxieux donc je respire encore plus mal donc…etc. Ceci jusqu’à la panique totale, ce que l’on appelle l’attaque de panique. L’attaque de panique, au niveau respiratoire, c’est lorsque comme précédemment expliqué je cherche à inspirer là où mes poumons sont pleins. Cela provoque alors une sensation d’étouffement, donc de panique, où j’ai vraiment l’impression d’y « laisser ma peau ». Une fois l’angoisse calmée, la respiration redescend mais, selon le principe du « chat échaudé craint l’eau froide », je reste dans l’appréhension d’une autre crise soudaine entrainant une angoisse (anticipatoire) donc une respiration haute.
 

L’hyperventilation

 
Le syndrome d’hyperventilation c’est lorsque, par trop de stress et de fatigue, ma respiration est en permanence accélérée. Une hyperventilation apporte trop d’oxygène et enlève beaucoup de gaz carbonique. La différence dans ce syndrome c’est lorsque le gaz carbonique passe en dessous d’un certain seul d’autres symptômes se surajoutent, par exemple: Tête qui tourne, picotements dans les extrémités, moiteur, coup de chaud, vertiges. Le syndrome d’hyperventilation est donc une complication,  au niveau respiratoire, d’une réponse anxieuse 
 
 

L’essoufflement et le blocage, la différence

 

La conséquence d’une respiration haute est que je vais me sentir  assez souvent bloqué « par trop d’air ». C’est à ce moment que l’on se sent essoufflé. Ce n’est pas vraiment de l’essoufflement  qui correspond plus à une accélération de la fréquence respiratoire sans être ni haute ni basse. Cela à son importance car se dire essoufflé(e) c’est se dire être potentiellement malade, se dire bloqué(e) c’est se dire avoir besoin de se débloquer. Nommer c’est un peu commencer à résoudre.
 

L’anxiété et l’effort

 
Lors de mes consultations j’ai pu observer une grande gène à l’effort chez des personnes souffrant de stress ou d’anxiété chronique. La raison est assez simple. En effet, si faire un effort consiste à accélérer sa respiration, quelqu’un qui respire déjà rapidement ou de manière haute arrivera plus vite à son maximum. Baisser le rythme respiratoire de base permet alors de retrouver une marge de progression avant d’être dans le rouge. De plus, si mon expiration n’est pas optimale, à l’effort, mes poumons se rempliront d’autant plus vite. Le blocage arrivera plus tôt.
 
 

La respiration dans le langage commun « le besoin de souffler »

 
Pour finir, et avant d’aborder la respiration au cœur des thérapies cognitives et comportementales, il est intéressant d’observer de quelle manière la respiration est présente dans le langage commun pour exprimer le dualisme corps-esprit. « Avoir besoin de souffler », « un suspense haletant », « l’avoir en travers de la gorge », « pomper l’air », « tu me gonfles » ou encore « une atmosphère pesante ». La médecine occidentale a séparé le corps de l’esprit, la nature et la culture n’ont jamais cessé de les unir.
 
La respiration est alors l’outil essentiel et global d’une personne en souffrance.
 
 
 

Le travail psychothérapeutique du souffle, ré-insuffler la vie

 
 
Ce paragraphe, même s’il est le plus important, est quelque peu réduit car il est difficile en quelques lignes de transmettre une pratique qui prendrait parfois un chapitre entier ( voir par exemple cet article sur le mindfullness Carpe Diem,pleinement conscient. . Voici quelques domaines importants que je travaille avec mes patients en psychothérapie.
 

Refaire ami-ami

 
Le premier travail est de réapprendre à se connecter à ses sensations respiratoires. Quelqu’un qui ne sait pas respirer n’a souvent même pas conscience de ce qu’est souffler ou inspirer ceci sans réfléchir. La méditation où le mindfullness aide alors à mieux ressentir son souffle pour mieux le guider. Ne plus craindre sa respiration est un premier pas.
 

La respiration abdominale, évidemment

 
Inutile de décrire cela, si ce n’est pour dire que ce n’est pas si évident, et que ça  s’apprend. Tout le monde le ferait si c’était si simple. Souffler, creuser pour mieux vider, pour mieux Inspirer!
 

La crise de calme

 
Comme nous l’avons vu dans divers articles précédents, savoir faire une crise de calme, soit savoir ralentir son souffle, permet de retrouver le calme et des sensations respiratoires plus agréables pour mieux agir, communiquer.
 

Le blocage des attaques de panique

 
Savoir bloquer sa respiration toutes les 4 secondes est une des techniques utilisées pour bloquer les AP. C’est également une des techniques utilisée en TCC.
 

La dépression

 
Nous avons beaucoup abordé l’anxiété mais la respiration est également importante dans le cadre de la dépression où justement le souffle de la vie est bloqué, en sommeil. Pour reprendre la métaphore d’Henri Bergson et son élan vital: permettre à une personne atteinte de dépression de retrouver le souffle, c’est lui redonner quelque peu cet élan vital en hibernation. La méditation permet de remettre ce corps et cet esprit endormis en mouvement.
 
Il n’y a pas une seule problématique dans laquelle le souffle n’est pas utile.
 
 

Le pur plaisir de respirer, dédicace à Epicure

 
Petit exercice respiratoire.
  • Fermez les yeux
 
  • Inspirez, expirez une première fois
 
  • Inspirez, expirez plus lentement une deuxième fois
 
  • A la troisième fois, commencez par souffler….lentement…longuement puis inspirez… profondément cet air précieux, frais, pur, chargé d’oxygène et d’énergie:

  

Goutez au pur plaisir de respirer
 
 
A consommer sans modération
 
Au mois prochain!

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.

3 commentaires

  • Anonyme

    Bonjour,
    Je viens de lire votre post à propos de la respiration et de l'anxiété car je suis "atteint" de ce phénomène depuis juin 2015 et je n'arrive pas à m'en débarrasser. C'est vraiment pénible à vivre au quotidien, je n'arrive même plus à faire de sport car je suis vite à bout de souffle, comme bloqué au niveau du sternum.
    Ce soucis est arrivé à la fin d'un stage à Cora où j'étais épuisé et j'étais un peu en froid avec ce qui est mon "ex petite amie maintenant". Et depuis même si j'ai l'impression de ne pas angoissé ou stressé, bah je suis toujours bloqué au niveau de la respiration. J'ai passé tous les examens (je me suis même rendu aux urgences car je croyais reste sur le carreau) et je n'ai rien. Absolument rien. Et pourtant j'en ai passé des examens :
    -Scanner thoracique avec produit de contraste RIEN
    -2 Radios pulmonaires RIEN
    -Test d'effort : J'aurais une dyspnee non spécifique (donc à caractère anxiogène) d'ordre expiratoire or c'est L inverse que je ressens.
    -Endoscopie de l'estomac RIEN
    -3 prises de sang RIEN
    -2 electrocardiogramme RIEN
    J'ai vu plusieurs osteos, magnetiseur sans résultat.
    Que pouvez vous me conseillez ?
    Je reste à votre écoute et je vous laisse à disposition ma boite mail au cas où guillaume.abel88@gmail.com

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