Psycret Story, ne plus avoir peur du psy?
Comme convenu voici l’article qui devait paraitre le mois dernier. Vous êtes quelques uns à avoir posé vos questions sur le côté obscure du psychothérapeute. C’est donc (toujours) avec plaisir que je vais répondre et développer ces questions.
Le principe ici et de désacraliser la position du psychothérapeute. Est-il parfait avec ses enfants? Est-il zen? Si vous avez lu l’article sur ce que sont les TCC vous savez que ce mode de psychothérapie se présente plus comme de la co-thérapie, deux personnes au même niveau, qu’une relation où l’un sait et l’autre parle.
Cet article est clairement destiné à faire tomber les difficultés que l’on peut avoir à consulter, « se faire suivre » ou « voir quelqu’un » comme dirait un certain humoriste. Je suis toujours attristé lorsqu’un de mes patients me dit avoir eu peur de venir par peur d’être jugé, peur d’être pris comme un faible. Non il n’y a pas de faiblesse encore moins de jugement, il y a de la souffrance et deux personnes pour y remédier, le psy et le patient.
Autre préambule: Je n’engage que ma parole ici, même si j’utilise le « nous », car je ne pense pas être le seul à penser de cette manière.
Allez, regardons ces questions:
Le psy me juge-t’il?
Non évidemment que non. Ce n’est pas vous que l’on juge mais le problème. Pour juger il faut un coupable. Hors, quelqu’un qui est en souffrance n’est coupable de rien. Une chose que je répète souvent à mes patients au sujet de la culpabilité: savez-vous sur quel critère l’on juge quelqu’un de coupable ou non? Le libre arbitre. A partir du moment où l’on a le choix on est responsable de celui-ci. Ainsi puisqu’en comportementalisme nous réalisons nos actions parce que nous y avons de bonnes raisons (ou moins mauvaises le plus souvent), il n’y a pas de choix. La culpabilité est un concept qui ne fait pas long feu en TCC.
C’est évidemment de votre fait mais pas de votre faute comme dirait une amie.
Non, nous ne jugeons pas car après tout cela fait partie de nos valeurs que d’entendre et de chercher à aider et à résoudre toute souffrance psychique, humaine bien sûr :-). Un de mes mentors disait: « pour faire ce métier, il faut aimer les gens et les problèmes », comment pourrions vous juger après avoir dit cela?
Ceci ne veut pas dire que nous n’avons pas d’émotion désagréable pendant l’entretien. Elles sont plus la conséquence de notre vécu au contact du vôtre. Nous aborderons cela lors de la gestion émotionnelle (voir plus loin)
« Comment faire pour conjuguer vie professionnelle et vie privée? »
J’ai coutume de dire que je ne suis pas différent en thérapie et dans la vie quotidienne. D’autres thérapeutes répondront peut être autrement, mais personnellement je ne suis pas différent dans une vie et dans une autre. Je dirais qu’une vie porte l’autre et vice versa. En effet, j’apprends beaucoup de choses en exerçant mon métier et de la même manière ma vie personnelle, mon vécu, mes difficultés m’aident auprès de mes patients. Il n’y a donc pas d’entrave mais un seul et même cours d’eau. Il y a également une question de gestion de distance thérapeutique, ne pas se laisser déborder émotionnellement par l’histoire de la personne. Mais ces vécus émotionnels sont utiles à la relation comme nous verrons également dans une question suivante.
« Comment fait le psy pour gérer ses émotions? »
Comment gérer ses émotions? Avec les même technique utilisée en TCC, crise de calme, respiration, pensée alternative…etc. Le principe ici n’est pas de supprimer l’émotion mais de la rendre utilisable. En effet, une émotion ressentie peut avoir un intérêt dans la relation thérapeutique.
Exemple: une patiente me raconte une scène difficile d’abus. Je ressens une émotion de colère et partage également avec elle la tristesse de cet acte. Cette émotion non réprimée aura l’avantage de donner l’envie de réussir et une empathie plus forte. En revanche, si je ne la gère ou ne l’identifie pas, celle-ci peut me rendre impartial et m’amener à plaquer mes pensées à la place de celles de ma patiente, en plus de me faire vivre des moments difficiles. Ainsi, lorsqu’une émotion se présente la question est: quels sont les avantages et inconvénients de cette émotion pour la relation? » C’est une technique apprise en TCC, rien de nouveau donc. Le cordonnier est bien chaussé
Pour ce qui est de la deuxième partie de la question (cacher ses émotions) je ne crois pas qu’il faille forcément les cacher. Exprimer ses émotions en tant que thérapeute est un moyen d’apprendre à son patient à également les exprimer, c’est une sorte d’apprentissage par « modelling ».
« Vous en tant que thérapeute est ce que vous avez le recul nécessaire pour vous appliquer à vous les conseils ou avez vous aussi un « guide »
Il n’y a pas véritablement un « guide » mais disons que régulièrement nous avons des sessions de supervision au cours desquelles plusieurs « psy » se réunissent afin de présenter des cas cliniques avec lesquels ils sont en difficulté. Ces supervisions, réalisées sous la conduite d’un psychologue ou psychiatre chevronné, aident à progresser mais également à se frotter aux pires souffrances sans pour autant y laisser des plumes, si vous me permettez l’expression.
Savez-vous tout sur tout ou plutôt avez-vous toujours une solution?
J’ai souvent entendu dire que s’il l’on rentrait le soir en étant fatigué c’est que l’on n’avait pas été bon. En effet en TCC ce n’est pas le thérapeute qui trouve les solutions, c’est le patient. En d’autres termes le patient travaille et apprend, le thérapeute se repose ! Non nous n’avons pas toutes les solutions mais nous savons peut être comment aider la personne à chercher ou plutôt chercher avec elle ses solutions.
En TCC plus l’on fait l’intelligent plus l’état de notre patient se dégrade. Savoir tout sur tout n’est pas une position qui aide l’autre à apprendre. Savoir que l’on ne sait rien oblige à être à l’écoute et à être humble devant la souffrance et la capacité de la personne à trouver ses solutions par elle même. Cela peut paraitre un bel écran de fumée mais cela fait partie des fondamentaux de la TCC. Souvent en thérapie on se rend compte que la personne sait comment s’en sortir, ce qui lui manque c’est souvent d’y croire ou du moins quelqu’un qui y croit avec elle.
« Comment gère-t-on l’image lorsque qu’on est therapeute? Par rapport à sa famille? à ses amis? Plus particulièrement j’ai souvent remarqué que les personnes ayant un métier en rapport avec la psychologie ou la psychiatrie sont perçus soit pour des illuminés ou alors il y a un grand respect pour cette discipline »
Compte tenu de ce que j’ai pu préciser plus haut, être thérapeute est un métier pas une identité. Ainsi il n’y a que l’image que l’on veut bien donner. Personnellement il n’y a pas d’image différente. En famille un « psy » ne fait pas de psy car une thérapie suppose une demande, un cadre et un but. On serait bien avisé d’appliquer des outils de psychothérapie sur les gens en dehors de ce cadre. Cela n’a pas de sens ou du moins cela n’amène pas à de bonnes relations. « Illuminés »? Je suis d’accord avec vous cette profession est respectable et respectée mais il y a des d’illuminés partout !
« Pourquoi devient-on thérapeute?
Qu’est ce qui nous pousse à choisir ce travail plutôt qu’un autre? » et « est ce que les thérapeutes du fait de leur formation ont des facilites pour pouvoir gérer leur vie de tous les jours? ca doit être sympa d’être psychiatre ou autre pour pouvoir gérer le quotidien! »
Je crois que certaines qualités – savoir écouter, aimer les gens et les problèmes – amènent naturellement à la relation d’aide sous n’importe quelle forme. Après il y aussi les hasards de la vie et certainement une question de « valeurs » au sens ACT du terme. Et, OUI nous sommes des êtres humains en chair et en os ;-), comme tout le monde avec peut être quelques casseroles en moins. Un thérapeute est avant tout quelqu’un qui a la capacité d’aider l’autre et par là même d’appliquer des techniques. Donc bien sûr qu’à force de s’entrainer les facilités arrivent. Il est effectivement plus facile de gérer le quotidien lorsque l’on a appris ses techniques (le cordonnier bien chaussé) mais encore une fois le but n’est pas de faire de la psychothérapie sauvage mais plutôt d’essayer de s’appliquer à soi même ce l’on est susceptible d’exiger de ses patients. Je vous rassure à chacun ses défauts, à chacun ses travers, le « psy » n’est pas un monstre d’exemplarité, ce n’est pas son rôle.
Voici pour cet article, j’espère vous avoir donné envie de consulter si vous en avez besoin ou du moins d’avoir fait changer votre regard sur la psychothérapie. Don’t be affraid
Le sujet du mois prochain est encore en gestation. Sauf si vous avez des suggestions…