Psycho-Philo

La psychothérapie, une partie de plaisir !

Après avoir abordé les grands types de problématiques psychiques et en tant que passionné de philosophie hédoniste j’ai à cœur de vous parler, ce mois-ci, du plaisir en psychothérapie.

 
En effet, une psychothérapie ne peut se faire sans plaisir comme nous allons le voir dans cet article. Plaisir d’une rencontre, d’un travail, sur soi, ensemble, d’un métier. On peut même prendre du plaisir à « souffrir » pour peu que cela nous fasse avancer vers nos valeurs.
 
Alors qu’est ce que le plaisir au juste? Et comment s’invite-t-il en psychothérapie cognitive et comportementale?
 
 

Le plaisir, définition

 
 
Le plaisir est un état de contentement créé par la satisfaction d’un besoin, d’un désir. C’est donc un moment, un instant, pendant lequel le manque ne se fait plus, le désir y est comblé. Forcément lorsque le plaisir, fugace, s’évapore, le désir revient et ainsi de suite….
 
C’est avant tout ce qui a fait que l’Homme s’est adapté au monde environnant : La recherche du plaisir et la fuite des déplaisirs (faim, froid).
 
Le principe de plaisir régit l’humanité depuis ses premiers instants. Ce n’est qu’avec la religion que celui a été banni. Or, comme nous le verrons par la suite, depuis l’antiquité les hommes n’ont cessé de réfléchir à la façon de conjuguer les désirs et les plaisirs pour une vie en harmonie. L’harmonie, l’équilibre, c’est exactement ce qu’il nous faut en psychothérapie, fonçons!
 
 

Plaisir et cerveau, une histoire d’hormone

 
Je vous ai donc dit que le plaisir était une histoire ancienne. Elle est si ancienne qu’elle est inscrite dans notre corps. En effet, la dynamique du désir et son apogée le plaisir relèvent avant tout du système hormonal : l’adrénaline, hormone du désir, les endorphines les hormones du plaisir. C’est ce que l’on appelle en neurobiologie, le système récompense.

 
 
 
Ainsi, que nous le voulions ou non, nous sommes commandés par ce système. Comme nous pourrons l’observer dans les troubles mentaux, la perturbation de ce rapport désir/plaisir est importante.
 
 
 

Le plaisir en philosophie, l’hédonisme

 

Sans partir dans des discussions philosophiques sans fin, sachez que, dans l’antiquité, un courant philosophique s’est attaché à penser le plaisir : l’hédonisme. La quête du plaisir et la fuite des déplaisirs y sont ainsi considérées comme le souverain bien, le but.
Epicure est le philosophe fondateur de cette pensée contre l’idéal platonicien en 300 av JC.

 
 

 

 

Que dit cette philosophie?

 
A partir du moment où le plaisir et le désir commandent notre existence, il est nécessaire d’établir une diététique, une gestion de ces deux pôles.
 

Premièrement, le principe fondateur à la vie heureuse est une vie sans souffrance. Le simple plaisir de ne pas souffrir suffit à l’épicurien.

 
 
Puis, en s’arrêtant quelques instants, nous pourrions observer que les plaisirs ne se valent pas tous. Tant en termes d’intensité, de fréquence que de conséquences plus ou moins intéressantes avec le temps. Voici comment l’épicurisme organise la notion de plaisir :
 
Il y a des plaisirs naturels d’autres non, des plaisirs nécessaires d’autres non. L’idéal est alors de satisfaire en priorité nos désirs naturels et nécessaires (boire pour la soif, manger à sa faim) au détriment des désirs non naturels et non nécessaires (acheter un yacht, fumer). Les désirs intermédiaires étant à moduler, voir tableau.
 
 
 
Classification des désirs selon Épicure
Désirs naturels
Désirs vains
Nécessaires
 
Artificiels
Irréalisables
Pour le bonheur (ataraxie)
Pour la tranquillité du corps (protection)
Pour la vie (nourriture, sommeil)
 
Ex : richesse, gloire
Ex : désir d’immortalité
           
 

 Auto nomos

 
  L’un des maître-mots, chez les philosophe hédonistes, est l’autonomie. En effet, le but est de jouir du plaisir en toute autonomie. Soit, savoir prendre des plaisirs, satisfaire des désirs réalisables en quantité illimitée et à tous moments. Quelques exemple? Respirer, observer la nature, boire de l’eau. En étant heureux avec cela nous serons toujours satisfait.
 
A l’inverse, imaginez vous qu’il vous faille manger du caviar et boire du Dom Perignon pour être satisfait. Vous risquez fortement de vous sentir frustré ou bien de réaliser de couteuses actions pour y parvenir (travail intense, restriction des plaisirs naturels).
 
 
Ceci peut nous faire réfléchir sur la façon dont nous satisfaisons nos désirs. Se priver de nourriture, de sommeil ou de protection au détriment d’un plaisir non naturel et non nécessaire? Naturellement, ce fonctionnement ne peut donner une harmonie durable.
 

.La notion de plaisir différé, la note globale.

 
Un autre courant prendra la suite de l’épicurisme, les cyrénaïques, habitants de Cyrène en Libye.
 
Cette pensée invite à chercher et vivre le plaisir mais pas dans la démesure. Un élément intéressant est de considérer la note globale du plaisir, plaisir immédiat versus déplaisir futur.
 
Exemple: Ces choux à la crème me semblent appétissants, je prendrais un plaisir fou à les manger, les déguster, les sublimer. En revanche quel déplaisir en voyant la balance, ou bien en me tortillant de douleur ayant peine à digérer ces trésors de pâtisseries. Le plaisir immédiat devient alors beaucoup moins intéressant. Augmenter sa tolérance à la frustration. N’est ce pas ce que l’on demande aux enfants? Dans cette société de l’opulence cette notion devient plus que nécessaire.
 
Voici une citation d’Epicure relatant cette notion
 
« Quel avantage j’aurais à renoncer à ce plaisir? »

.
 

L’éloge de la rareté

 
En somme, cette gestion des plaisirs nous invite à gagner en qualité ainsi qu’en rareté. Les plaisirs rares, donc les plus courtisés, incitent plus encore au désir. Et si finalement le désir n’était pas plus fort que le plaisir lui même?

 

Le plaisir en psychothérapie

 
J’espère ne pas vous avoir perdus dans ces considérations philosophiques. Cette explication m’était nécessaire pour vous transmettre l’importance de ce plaisir en psychothérapie.
 
Que vient faire le plaisir dans les troubles psychiques? Dépression, addiction, comportement alimentaire.

 
La psychothérapie reste avant tout un travail, certes difficile, sur soi. Une façon de réorganiser ses meubles afin que la vie puisse s’y dérouler en harmonie.
 
 
 
Souvent j’entends parler de la psychothérapie en des termes peu flatteurs. Elle est souvent vécue comme un échec ou une solution, peut être, mais dans la douleur. C’est une position contre laquelle je me pose. En effet, la maladie, les troubles psychiques si difficiles soient-ils peuvent devenir une façon de repartir dans la vie.
 
La psychothérapie doit se faire avant tout avec plaisir. Qui accepterait de changer, se transformer dans la douleur? De la même façon, une randonnée, malgré les crampes, ne peut exister sans la satisfaction d’avancer vers son but, son sommet. Ainsi et pour terminer ce paragraphe, la psychothérapie que je prône se fait à la lumière de ces notions.
 

Plaisir et troubles psychiques

 
Je retrouve souvent un déséquilibre de cette capacité à prendre plaisir chez mes patients. En voici quelques exemples:
 

Les troubles du comportement alimentaire:

 
Les grignotages et autres hyperphagies ont souvent comme origine « se faire plaisir ». Hors, après avoir observé son comportement, la personne se rend compte qu’elle mange des aliments souvent pauvres en sensation, en grande quantité et qui, hormis la première bouchée, ne donnent aucun plaisir. Le déplaisir étant lui bien présent (honte, digestion, poids). En psychothérapie nous apprenons à prendre plaisir en mangeant, en utilisant ses 5 sens, en prenant le temps…etc.
 

L’addiction au tabac.

 
Idem pour le plaisir de fumer. Bien souvent on se rend compte qu’il n’est pas plaisant de fumer, cela soulage seulement. C’est le contexte ou du moins ce que cela permet qui est plaisant (pause, repos, calme). Nous travaillons ainsi le plaisir de prendre une pause mais sans cigarette !
 

La dépression

 
C’est vraiment la maladie de la perte de plaisir. Plus d’envies, plus de désirs. En TCC nous travaillons avec des petites activités de maitrise et plaisir…. apprendre à reprendre plaisir avec des choses simples. Le plaisir agit ainsi comme un véritable antidépresseur!
 
Je m’arrête là pour les exemples mais la notion de plaisir, vous l’aurez compris, ne me quitte jamais en psychothérapie.
 

Du Plaisir au déplaisir.

 
 
En thérapie d’acceptation et d’engagement nous avons à cœur de nous défaire de notre lutte pour avancer vers ce qui est important pour nous, nos valeurs. Soit : je suis prêt à accepter ce déplaisir ou cette perte de plaisir pour peut que cela me permette d’avancer vers la personne que j’aimerais être.
 
 
 
Exemple: J’ai une « énoooorme envie » de rester dans mon canapé plutôt que de jouer avec mon fils. Que ferait la personne que j’aimerais être: se priver de ce plaisir canapé pour faire plaisir à mon fils, mon déplaisir vaut bien son propre plaisir…. vous me suivez?

 
 

Comment prendre du plaisir?

 
 

Les unités de plaisir

 
Notre corps est donc programmé pour prendre sa dose quotidienne de plaisir, « une journée bien remplie ». Le principe des unités de plaisir est de considérer que cette dose se compose de petites unités, de petits ou grands plaisirs.
 
Le principe est ainsi de chercher tout au long de la journée à remplir ces unités. Un peu comme les 3 Kifs par jour décrits dans la gestion du stress. La prise de plaisir simple et nécessaire doit être volontaire et consciente sous peine de voir passer la journée. C’est donc une construction, une réflexion.
 
Par exemple :

 

  • Appeler mes enfants 3 unités

 

  • Voir une biche au bord de forêt 2 unités

 

  • Obtention d’un contrat 4 unités

 

  • Écouter rire et chansons 1 unité
 
 
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Les cinq sens:

 
A la question comment prend on du plaisir, je répondrais : par votre corps. Mais bien évidemment pas uniquement selon l’habituel sens.
 
En effet, on sous-estime souvent nos cinq sens dans cette recherche. Pourtant ils remplissent les critères d’Epicure, peu onéreux, naturels, illimités donc pas de dépendance: l’autonomie.
 
Vivre avec ses cinq sens rejoint les techniques de méditation. Une de mes préférées et que j’utilise fréquemment avec mes patients est la technique de pleine conscience (mindfullness, qui vaudra un article complet). Cette méditation n’a pas pour objectif  de se détendre ni d’agir pour aller mieux. Elle invite tout simplement à être conscient, ici et maintenant de ce qui de passe… sous nos cinq sens. Je ne vais pas développer mais pour résumer voici un exemple:
 

Imaginez une balade en forêt:

 
 
Premièrement:
 
Vous marchez, la tête dans vos pensées…le travail….les travaux à venir dans votre maison….les impôts…etc. Vous avez marché près d’une heure. Quantifiez votre dose de plaisir
 
 
 
 

Second cas

 
Vous marchez en pleine conscience. Vous êtes concentré sur votre souffle, le simple plaisir d’inspirer cet air frais. Votre concentration se porte sur chaque pas posé l’un après l’autre vous êtes attentif au contact sur le sol et ses différents aspects. Peut être que votre regard se trouve ensuite émerveillé par les nuances de vert que comporte cette forêt de printemps. Soudain vous entendez un ruisseau s’écouler paisiblement à travers mille rayons de soleil scintillants à la surface de l’eau…. nous pourrions continuer un moment. Quel plaisir pensez-vous prendre de cette manière? Tout ceci en une minute… 
 
Cet exercice est valable pour toutes les activités distractives!

 
 

Exercice du mois

 
La philosophie d’Epicure en pleine conscience, le pur plaisir d’exister

« Avec une miche de pain et une cruche d’eau, je rivalise de bonheur avec Zeus »
 
 
Appliquons à la lettre cette maxime d’Epicure, chiche?

 
 

  • Prenez un verre d’eau fraichement écoulée de votre robinet

 

  • Prenez également une baguette de chez votre boulanger (à votre goût)
 
Fermez les yeux concentrez vous quelques instants sur quelques sensations sonores, respiratoires par exemple.
 
Goûtez un morceau de pain pleinement conscient de toutes les saveurs qui s’y développent à cet instant. Vous pouvez même commencer l’exercice par toucher le morceau. Attendez de ne plus ressentir quoi que ce soit avant de boire l’eau. Quel plaisir avez vous ressenti entre 0 et 10?
 
 
Maintenant buvez une gorgée d’eau selon le même principe.
 
ça y est vous commencez à remplir vos unités de plaisir 😉
 
Alors, Epicure, débauche et décadence ou penseur du vivre en harmonie?
 
 
Pour approfondir l’hédonisme et ses vertus je vous conseille les livres de Michel Onfray. Le premier tome de la contre-histoire de la philosophie est magique sur ce point.

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.

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