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Coupable levez vous, La culpabilité en TCC

Ce mois-ci je tiens à vous parler d’un sentiment que je retrouve souvent dans les analyses fonctionnelles de mes patients (si les mots analyse fonctionnelle vous sont étranges, peut être devriez vous lire cet article: Qu’est-ce que la TCC? Thérapie cognitive et comportementale… ). Ce sentiment est LA CULPABILITÉ.
 

 
 
 
Se rendre malade d’être malade
 
 
Avant de m’étendre sur les conséquences et l’abord thérapeutique de la culpabilité, définissons rapidement ce qu’elle est.
 

Qu’est ce que la culpabilité?

 
La culpabilité est le sentiment de se sentir coupable, d’avoir fait quelque chose de mal . Si vous suivez ce blog vous connaissez certainement mon goût pour la philosophie. Il n’est pas inintéressant de savoir que la culpabilité est un sentiment construit socialement (à la différence des émotions qui sont elles génétiquement programmées).
 
Ainsi, lorsque l’on ressent de la culpabilité cela se fait toujours par rapport à quelque chose de bien ou de mal, une morale. La morale dicte alors ce qui est bien ou mal et permet donc de juger. Ainsi vient la question, selon quelle morale nous jugeons-nous lorsque nous culpabilisons?
 
Lorsque je mange et que je culpabilise, quelle morale dit « il est interdit de manger entre les repas ». Lorsque j’angoisse dans un ascenseur et que je culpabilise, qui a édicté la règle « angoisser dans un lieu fermé est mal »?
 
Vous l’aurez compris la culpabilité fait souvent appel au bien, au mal et au jugement sans que cela ne soit écrit quelque part. Comme le dit si bien Nietzsche « l’homme malade de soi même ». Ce qu’il nommera le nihilisme.
 
Freud ajoute d’ailleurs que cette culpabilité est LA cause principale des névroses (tout ce qui est traité dans ce blog fait partie des névroses, pour faire simple)
 
Raison de plus pour s’y attacher fortement en thérapie
 
 
 

La culpabilité en TCC

 

Le jugement

 
Ainsi nous posons la question du jugement. Premier argument pour démonter la culpabilité (lorsqu’elle n’est pas justifiée): le libre arbitre. Le libre arbitre est le fait de pouvoir agir librement et en connaissance de conséquence. La justice déclare un personne non jugeable lorsqu’elle perd ce libre arbitre. Or la question que vous pourriez vous poser au moment de vous juger : Ai-je eu la possibilité de faire autrement? Avais-je pleinement connaissance de toutes les conséquences en agissant comme cela? Si vous répondez non à ces questions, la justice ne vous rendra pas coupable de vos actes.
 
Coupable NON mais responsable OUI. Ainsi, ce n’est pas de votre faute mais bien de votre fait. C’est ici que la culpabilité peut devenir un autre sentiment, la responsabilité. La responsabilité de faire en sorte d’agir différemment.
 
La remise en question de la morale, « la morale de cette morale »
 
L’autre plaidoirie pour utiliser la culpabilité à bon escient, la remise en question de la morale. Nietzsche nous y invite lorsqu’il dit étudier la « valeur d’une valeur ». Qu’elle est cette morale selon laquelle je me juge. Qui a édicté la règle selon laquelle je me juge? Voici quelques questions à se poser lors du procès de vos actes. Michel Onfray, philosophe hédoniste et libertaire, propose cette expression « être à soit-même sa propre norme »
 
 
 

Comment la travaille-t-on en thérapie?

 
Ce que vous avez lu précédemment est en quelque sorte la façon dont la philosophie a cherché à traiter les fâcheuses conséquences de la culpabilité. J’aime souvent à dire que nos soucis modernes ne sont que des métaphores des soucis éprouvés depuis des millénaires. La philosophie était la psychothérapie du temps jadis.
 
 

La première question 

En thérapie est de se demander : à quoi sert mon sentiment de culpabilité? Si quelque chose existe c’est que cela sert. Se culpabiliser sert-il à expier mes péchés tels un exutoire? Payer sa faute? Si cela ne sert à rien pour vous, peut-être pourriez vous essayer de considérer cette culpabilité comme une histoire que vous raconte votre tête mais qui est bien loin de la réalité: une pensée n’est qu’une pensée après tout.

 
 

Une seconde 

 
Une autre façon d’aborder la « bête » (car il y en a beaucoup d’autres) serait  d’observer ce que m’invite à faire la culpabilité. Et si la culpabilité n’était qu’une façon pour la nature, notre intelligence, de nous donner la nécessaire dose de  désagrément pour nous pousser à agir différemment la prochaine fois? Et si la sélection naturelle avait gardé ce comportement afin de nous donner la possibilité de résoudre ce qui est un problème pour nous, une manière d’augmenter nos chances de survie? Cette question, cette façon de considérer les choses ne serait-elle pas plus porteuse que les coups de fouet auxquels nous nous adonnons lorsque que nous culpabilisons?
 
Pour revenir à la philosophie, c’est ainsi que Spinoza substitue l’éthique à la morale. Je vous résume sa pensée à ce sujet : Pour lui il n’y a pas de bien ou de mal mais plutôt du bon ou du mauvais. Ce qui est bon est ce qui marche pour moi et ce qui est mauvais ce qui m’éloigne de la solution. Si vous êtes familier de l’ACT, c’est ce que nous travaillons lorsque nous cherchons à avancer vers nos valeurs, ce qui est important pour nous.
 
L’occasion pour moi de ressortir l’éternelle citation d’Epictete:
 
« Ce ne sont pas les choses qui posent problème
mais le regard que l’on porte sur elles »
 
 
Comme à chaque fin d’article, je vous propose un petit exercice afin d’illustrer mes propos:
 

COUPABLE OU SE SENTIR COUPABLE?

 
 
La prochaine fois que vous éprouverez de la culpabilité, et que vous observerez votre tête vous dire
 
« je suis coupable », « c’est de ma faute », « je suis nul »
 
Que diriez-vous d’essayer de vous dire:
 
« ma tête me dit que… je suis coupable…. je suis nul »
 
Et observez ainsi quel effet cela peut procurer de faire la différence entre
 
être coupable et se sentir coupable.
 
 
 
 
 
 
Pour aller plus loin:
Nietzsche La Généalogie de la morale.
Michel Onfray, La sculpture de soi.
 

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.

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