Psycho-Savoirs

Emotions banies ou émotions bénies? Un autre régard sur nos émotions.

Bonjour à toutes et à tous,
Comme souvent mes articles naissent d’un événement rencontré ou d’une parole entendue en séance. En tout cas ils sont toujours le fruit d’une émotion ressentie.
 
Ce mois-ci, j’aimerais justement vous parler d’émotions
. Et, pour le présent article, l’idée m’est venu après avoir vu le dernier film de chez Pixar: Vice-Versa.

 
Je ne vais évidemment pas vous faire la critique du film (ni vous raconter la fin) mais bel et bien vous parler de la façon dont on peut considérer les émotions.

Alors qu’est-ce qu’une émotion?

 

Une émotion est une expérience psychologique, mais aussi physique, lorsque l’être humain est confronté à une perturbation interne (la douleur par exemple) ou encore externe (un renard). Leur nombre est sujet à certains débats mais disons qu’il y en a 5:

JoieTristessePeurDégoût Colère.
Ces émotions sont le fruit de l’évolution de l’espèce, de telle sorte qu’elles sont communes à toute l’espèce humaine et même les mammifères (eh oui!). Et, si elles sont là depuis près de 400 Millions d’années (nombre à la louche), c’est bien que cela sert à quelque-chose. Sachez pour indice qu’en latin émotion prend sa racine dans « motio » qui représente l’action de se mouvoir.

Alors ça sert à quoi?

 

Combattre

Se figer

 Fuir!

 
 

Fuir, combattre et se figer font donc partie de notre patrimoine génétique de même que le lapin fuit le renard ou reste figé face au phare d’une voiture, ou encore se bat pour une mère lapine.

 
 

Oui, les émotions servent avant tout à la survie. Selon Darwin, elles ont ce que l’on appelle une vertu adaptative. Elles nous permettent de nous adapter face à un environnement changeant (interne: la faim ou externe: un tigre). Lorsque nous percevons un événement, notre cerveau interprète celui-ci et peu le classer comme néfaste ou bien comme bénéfique.

Par exemple, la peur va nous permettre de fuir ce tigre ou bien s’en protéger. Elle nous invite à agir pour faire face à cette menace. Mais pour agir, il faut mettre en mouvement ce corps. C’est la raison pour laquelle les émotions activent une réaction physiologique. La respiration s’accélère, le cœur bat plus vite, la pression sanguine monte, les muscles se tendent… Le corps se met alors en action pour réagir au mieux.

Ainsi, si elle sont aussi rapides à se mettre en place et sans notre contrôle c’est qu’elles dépendent directement de la partie la plus ancestrale de notre cerveau: le cerveau reptilien. C’est cette partie qui gère tous les instincts (survie, sexualité, sommeil, alimentation par exemple). C’est la raison pour laquelle elles ne se réfléchissent pas et qu’elles commandent immédiatement notre corps. En effet, imaginez qu’il fasse réfléchir devant un tigre? Ces secondes précieusement gagnées nous ont certainement permis de survivre!!

 

Pourquoi les émotions nous posent (parfois) problème?

 

Les émotions nous posent parfois problème pour plusieurs raisons. Tout d’abord lorsqu’elles se déclenchent d’une manière non adaptée à la situation: éprouver de la peur face à une mouche par exemple. Mais aussi lorsqu’elles se déclenchent d’une manière trop importante.

Sur ce sujet nous ne somme pas tous égaux.

Physiquement, parce que nous n’avons pas tous le même patrimoine génétique, certains tempéraments activant préférentiellement ou plus fortement certaines émotions que les autres.

Psychologiquement, parce que nous n’interprétons pas les choses tous de la même manière. Certaines personnes sont plus ainsi plus sensibles que les autres.

Socialement, parce qu’on ne nous a pas tous appris à reconnaitre, à gérer et à exprimer nos émotions de la même manière. Mais aussi parce que socialement certaines émotions sont plus acceptables que les autres (voir pas ailleurs).

 
Les émotions sont un problème lorsqu’elles ne permettent ce pourquoi elles sont là: réagir de façon adaptée à la situation.
 

Le problème est-il l’émotion?

 
De récentes recherches se sont (enfin) penchées sur nos réactions émotionnelles. Il ressort que nous n’avons pas tous les même capacités à gérer celles-ci (rien de nouveau), mais surtout que ce serait cette capacité qui impacte le plus notre bien être psychologique (entendez par là les troubles psychologiques).
 
Nous l’avons vu précédemment les émotions sont là et depuis longtemps et de surcroit elle sont vitales. Le problème ne vient alors pas alors d’elles mais d’où?
 

Eh bien de notre réaction face à celle-ci. La majorité d’entre nous utilise une stratégie que l’on nomme la suppression, c’est à dire faire quelque chose non pas pour gérer la situation mais plutôt quelque chose pour les faire fuir, les faire disparaitre. Faire un truc pour faire partir la peur… ça marche? Non, vous vous en doutez.

 

Plus j’évite la peur, plus j’ai peur. Plus je m’interdis d’être en colère plus celle-ci revient. C’est un fait très bien prouvé en psychologie mais aussi au quotidien: Lucie: Chéri arrête de t’énerver, calme toi…. réponse calme? Sylvain: NON je ne suis pas en colère! et je ne me calmerai pas!



 

Effectivement bon nombre d’expériences ont montré que plus l’on cherchait à ne pas avoir peur plus la peur augmentait… perdu donc.
 
Le problème vient alors de cette stratégie de suppression et donc la façon dont on nous a appris, ou la façon dont nous disposons génétiquement pour y faire face. Ceci est représenté par la notion de quotient émotionnel, c’est à dire un niveau de capacité à gérer ses émotions. Nous en reparlerons peut-être lors d’une prochain article.
 
 

Faut-il bannir certaines émotions?

 

« Bannir »?  « certaines »? Ces deux mots posent questions. Effectivement, on nous a entrainé depuis tout petit à bannir certaines émotions selon les cultures, les familles, les religions…

 
 
Les émotions sont soumises aux normes sociales. En effet, dans les années 50, la joie n’était pas forcément quelque chose de bien vu. Là où notre époque cherche à bannir la colère (autorise-t-on nos enfants à être en colère?) autant qu’elle se nourrit de la joie. Autant que les garçons ne doivent pas avoir peur…etc. Les émotions sont donc socialement influencées et notre tendance à les accepter ou non également.
 
C’est ce qui nous pousse alors à réagir ou pas selon certaines émotions.
 
Joie, Peur, Colère, Tristesse, Dégoût. Et vous, qu’en est-il de votre réaction face à celles-ci? Ont-elles toutes la même importance au sein de votre famille?
 
Or, si elle sont utiles, les bannir aura l’effet d’augmenter les choses autant en vous privant d’une réaction adaptée!
 
C’est exactement ce que le film « Vice-Versa » aborde. Toutes les émotions sont utiles. Aussi curieux que cela puisse l’être: la peur est utile.
 

Exemple:

Ma fille, alors âgée de 18 mois n’avait pas peur de l’eau. Génial dirons certains, génial? Pas de peur signifie aussi aussi entrer dans l’eau sans avoir peur de se noyer et donc sans se protéger. Heureusement, désormais plus grande, ma fille s’est mise à avoir peur après avoir testé la brasse sans brassard…plus de peur = plus protégée? Eh bien oui. La peur la protège désormais et l’accompagne partout où il y a danger. Cette émotion lui a permis d’agir pour ne pas se noyer.

Alors les émotions bannies ou bénies?

 

Les émotions en thérapie d’acceptation et d’engagement.

En thérapie d’acceptation et d’engagement nous apprenons à ne pas fuir nos émotions. D’ailleurs en ACT ( si vous ne savez pas ce qu’est l’ACT voir cet article L’ACT)ce ne sont pas les émotions mais ce que l’on en fait. Effectivement, plutôt que passer son temps à les faire fuir nous essayons de leur laisser une place sans s’en occuper.

Se libérer de cette lutte nous permet alors d’engager des actions ce qui compte: agir.

Du point de vue du cerveau, nous permettons à ce dernier de (re)fonctionner d’une manière adéquate. Effectivement, si réagir impulsivement face à nos émotions relève de notre cerveau reptilien, accepter ses émotions pour agir au mieux de la situation relève de notre cortex frontal.

Agir ou Réagir?

Le cortex est la partie la plus récente et la plus antérieure (derrière notre front) de notre cerveau, c’est celle qui permet de prévoir l’action en fonction de l’environnement, de notre but, des obstacles ainsi que nos possibilités physiologiques. C’est ce cortex qui nous permet de réfléchir avant d’agir et de se détacher de nos instincts primaires: fuir, combattre, se figer.
Le fait d’apprendre à prendre de la distance face à la peur, la joie ou encore la colère nous permet alors de mieux comprendre ce qui peut la déclencher autant que la façon dont on peut réagir.
 
Ainsi, aussi surprenant que cela puisse être, nous apprenons non seulement à gérer nos réactions émotionnelles mais plus encore nous apprenons à les aimer. Les aimer, car sans elles il nous serait difficile de réaliser les choses qui comptent pour nous.
 
Sans mes émotions, de colère, de peur, de joie, de dégoût ou de tristesse je n’aurai certainement jamais pu rédiger les articles de ce blog.
 

Pratique des émotions

Pour terminer je vous propose trois petits exercices pour vous apprendre à utiliser vos émotions.

1 Apprenez à identifier vos émotions

Lorsque vous observez que vous vivez un moment difficile ou déstabilisant, arrêtez-vous un instant et entrainez vous à percevoir quelle est cette émotion qui vous anime. Chez les enfants, il est intéressant d’utiliser des codes couleurs ou encore des icônes météorologiques voire des smileys !

2 Identifiez ce que vous faites ensuite

Une fois que vous avez repéré la ou les émotions qui vous pose(nt) problème, essayez d’identifier ce que vous faites ensuite. Observez de quelle manière, cette émotion, peut faire l’effet d’un hameçon. Ainsi, à chaque fois que vous mordez à celui-ci, vous vous retrouvez à agir à l’inverse de ce que vous aviez prévu.

Exemple:
Annie a peur qu’on ne l’apprécie pas. Elle a ainsi tendance à adopter le point de vue des autres par peur de déplaire. Ainsi, à chaque que fois qu’elle mord à son hameçon « peur de déplaire » Annie se retrouve à dire « Oui » alors que quelques secondes auparavant elle s’était jurée de dire ce qu’elle pense: « Non ».

Pierre rentre souvent du travail vers 19H30. Or à cet heure il y a souvent des émissions politiques à la radio. Sans s’en rendre compte, Pierre mord à son hameçon « injustice sociale » et se met à râler. Il râle même jusqu’en rentrant chez lui où l’attendent ses enfants…Pierre arrive en faisant la tête.

Un tremplin d’émotions

Pour finir, imaginez cette émotion que vous craignez tant:

A quoi pourrait-elle vous servir?
 
En quoi celle-ci vous invite à agir?
 
En quoi l’émotion pourrait-être votre tremplin?

 

Exemple: Paul a horreur de la comptabilité, il a peur de faire une erreur. Pour Paul, cette peur l’incite à vérifier ainsi qu’à ralentir la saisie pour minimiser le risque d’erreurs. Ou encore, Julie qui prend la tristesse ressentie face à la souffrance des animaux comme un carburant pour s’investir dans la défense de la nature. Paul et Julie ne renonceraient en rien à ce qui leur sert de trampoline pour rebondir et agir vers ce qui compte réellement pour eux: la peur et la tristesse.

Et vous?

Voilà j’espère avoir pu vous donner un autre regard sur les émotions et si vous souhaitez transmettre cela à vos enfants emmenez les voir Vice Versa c’est sans nul doute meilleur que tous les discours!

En cas je vous souhaite un bon été plein d’émotions et vous dis à la rentrée 😉

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.

2 commentaires

  • Anonyme

    Super vidéo de Mr Ramesh ! J'adhère au fait de "sauter dans la pièce", d'aller à la rencontre de cette peur mais… Comment on fait ? Parce que, oui j'ai essayé de savoir quelle était l'émotion, à quoi elle me servait etc…mais je n'ai abouti à rien qui m'a aidé, la crise était toujours là, la pensée obsédante aussi, etc… Alors peut être n'ai je pas bien compris ou mal fait les choses, je ne sais pas. Parfois j'ai l'impression d'avoir toutes les pièces du puzzle et de ne pas trouver comment les attacher ensemble pour que cela rende le dessin souhaité. C'est décourageant.

  • Descharmes Yannick

    Bonsoir,

    en remettant à jour cet article j'ai pris connaissance de votre message. Mieux vaut très tard que jamais. Ce travail est effectivement difficile de surcroit en pleine crise émotionnelle. A froid et à postériori cela semblerait peut être plus accessible et en cas de problème un psychologue est aussi là pour ça. Milles excuses de ne pas vous avoir répondu, votre message est passé sous mon seuil de vigilance.

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