Psycho-Philo

Puisque je vais mal, je vais aller mieux?

Bonjour à toutes et à tous,
Après cette longue interruption j’aimerai vous parler de ce proverbe somme toute désuet
« Après la pluie, le beau temps » 

mais ne sous-estimons pas les croyances populaires…

Illustration :


Sylvie est secrétaire dans une entreprise. Fille et petite fille de commerçants on lui a appris à ne jamais dire non, on lui a appris le don de soi : une valeur familiale. Depuis petite elle a  compris que pour être aimée, il fallait se faire apprécier des autres: sa valeur dépends des autres.
Sortie du nid familiale, tout se passe bien pour Sylvie, elle est mariée à un homme qu’elle aime et qui travaille beaucoup (il est lui-même artisan!) elle a continué à faire ce quelle sait faire: servir et se desservir. Ses enfants ont désormais 2 et 4 ans et un petit troisième vient de naître. Mais depuis quelques mois Sylvie ne va pas bien. Elle n’a plus le gout de vivre, se sent fatiguée, se réveille tôt le matin et n’arrive plus à avancer. Lors d’un consultation avec son médecin généraliste le diagnostic tombe: Dépression.
« Je suis dépressive » se dit-elle. Dès lors, la honte est tombée sur elle comme un voile et ne la quitte plus. En effet, elle ne peut plus aider l’autre, elle ne peux plus servir, elle ne peux plus.
C’est a ce moment que je rencontre Sylvie dans mon cabinet et, après des séances de thérapie, elle va mieux et prononce cette phrase: « heureusement que j’ai fait cette dépression, sinon… », elle n’en avait plus honte, au contraire.


Comment remercier sa dépression????!!!!


C’est ce que je vous propose d’aborder aujourd’hui en prenant un regard peut être-décalé par rapport à la « maladie » psychique du moins certaines comme les troubles anxieux, la dépression.
La maladie psychique est souvent (voire toujours) considérée comme une anomalie, une erreur dans la vie de la personne. Ainsi, les gens normaux, ne sont pas comme ça, ce n’est pas normal (nous avons déjà abordé ce sujet ici Suis-je-normal(e)?). Or comme le dit si bien Joseph Schovanec « l’autisme fait partie de la biodiversité », les troubles  psychiques également (j’ai bien dit trouble et non maladie).
Ainsi, si après 400 millions d’années d’évolution la souffrance est encore là, or si elle est là c’est peut être qu’elle sert à quelque chose. Il y a quelques milliers d’années nous avions de grands bras et une grande mâchoire, si nous ne les avons plus c’est qu’ils ne sont peut-être pas indispensables (chère sélection naturelle…). Mais par contre nous souffrons toujours!! Je dis « nous » car il serait erroné de penser qu’il y a les gens qui souffrent d’un coté et ceux qui ne souffrent pas de l’autre, tout est histoire d’intensité mais la souffrance est universelle…et nécessaire…pour aller mieux.

Explications.


En occident nous parlons de maladie psychique, or présenter cela implique tout d’abord d’être malade, comme une étiquette que l’on vous colle et ne se décolle pas si facilement, mais cela implique aussi le fait d’être soigné. Soigné et revenir comme avant. Le problème est qu’en psychologie les choses ne fonctionnent pas de cette manière. En effet, on ne guérit pas et on ne peut pas revenir comme avant, car revenir comme avant c’est reproduire le problème.
Certains de mes patients me disent « mais avant j’allais bien », « je n’était pas angoissé(e) », sauf peut-être que nous allons mal car pendant un certain temps nous nions nos émotions désagréables comme on met la poussière sous le tapis qui finit par se voir et faire désordre.

Désordre plutôt que de maladie?


Parler de Désordre plutôt que de maladie est une approche que certains auteurs ont proféré comme Devereux ou Tobie Nathan. Et si ce que l’on appelle maladie psychique n’était que désordre, des « à remettre en ordre » ou l’occasion de remettre de l’ordre. Dans le reste du monde (dans les sociétés traditionnelles), le désordre psychique est vu comme une occasion, une occasion de changer de grandir, une occasion d’aller mieux. C’est dans ce sens que les papillons jonchent ce blog: une métamorphose. 

Ainsi, concernant Sylvie sa dépression venait du fait qu’elle appliquait des règles qui ne lui convenaient pas…plus ou qui ne sont plus d’actualité en 2016: servir et se desservir c’était faisable pour elle sans enfant mais avec 3 c’est devenu impossible. 

Tomber, se relever, Apprendre

La souffrance de Sylvie lui a permis, tel un message, de lui faire prendre conscience que quelque chose n’allait pas et qu’il était temps de remettre de l’ordre, de se métamorphoser. Telle la douleur qui alerte enfin un rugbyman pour lui dire de s’arrêter (ce qu’il ne fait pas depuis six mois), la souffrance de Sylvie a du l’empêcher de vivre pour qu’elle s’arrête enfin, car pour elle s’arrêter c’était ne plus exister. Ainsi telle une chenille qui arrive au bout d’un cycle, Sylvie a pu se métamorphoser en papillon et apprendre à dire NON, à prendre soin d’elle tout en gardant sa valeur « être utile aux autres » mais pas à ses dépends. En effet, avec 3 enfants il devenait impossible pour elle de ne pas s’occuper de ses besoins fondamentaux.


De ce point de vue Sylvie n’avait aucun intérêt à revenir « comme avant ». En ce sens, le mécanisme de la dépression a permis à Sylvie de se rendre compte qu’elle devait changer.. et s’améliorer….


                                 « Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort »

Cette phrase de Nietzsche dit à peu près la même chose, souffrir c’est peut-être pour nous permettre d’aller mieux. Par ailleurs, c’est un peu de cette manière que dans certains civilisations traditionnelles, on inocule un poison pour forcer le corps à se soigner, c’est le même principe que le vaccin.
Bien évidemment, cette vision n’est pas parfaite et ressemble à une ode au sadomasochisme mais elle équilibre quelque peu le poids grandissant de l’anormalité « maladie » psychique. En effet, voir un trouble psychique comme une métamorphose, un désordre nous invite à écouter ce que cette souffrance a à nous dire et comment on peut, non pas supprimer cette souffrance, mais engager le changement. Oui, ce n’est pas la souffrance qui est en jeu car comme l’alarme elle l’indicateur que quelque chose doit changer.

Changer le plomb en or

Or, notre société se centre exclusivement sur la suppression de la souffrance au lieu d’observer le changement. Observer la classe des problèmes n’est pas la classe des solutions. En ACT (si vous ne savez ce qu’est la thérapie ACT lisez ceci: l’ACT? ) nous regardons la souffrance comme une énergie à même de nous permettre de mieux avancer vers ce qui compte. En effet, ma peur de décevoir m’oblige à donner le meilleur de moi-même. La peur que ma femme me quitte m’invite à lui offrir des fleurs!!
Pas de peur, pas d’action, pas de changement car: Qui va voir son médecin avant d’avoir vraiment mal?

La croissance post-traumatique

L’idée est ici que les désordres psychiques nous poussent à nous adapter (ce qui est la clé de notre évolution). La psychologie positive a étudié ce domaine que l’on appelle la croissance post-traumatique.
Ce concept est développé pour décrire les personnes qui, après une maladie grave tel un cancer ou un événement de vie marquant, ont pu se sentir grandi, plus fort et serein qu’avant. Ce, de telle sorte qu’ils ont pu remercier ce qui leur était arrivé comme quelque chose qui, avec la souffrance, leur avait apporté la sagesse.
Ainsi la croissance post-traumatique pourrait être étendue aux troubles psychiques comme des évènements dont on peut sortir grandis et comporte des changements positifs. Mais cette vision n’est pas nouvelle puisque le christianisme, le bouddhisme et l’hindouisme considèrent déjà les « épreuves de vie » comme des étapes dans la vie des hommes susceptibles de leur permettre d’accéder à une nouvelle forme de compréhension de ce qu’ils sont.

La vie après l’orage

Ainsi, depuis  400 millions d’années la vie ne fait pas que se poursuivre, elle s’élabore, s’étoffe, nous grandit: la pulsion de vie nous a amené ici, il n’y a pas de raison qu’elle s’arrête.
Ainsi, loin d’être toute puissante la psychothérapie ne serait pas pour soigner ou guérir une maladie mais plutôt une façon de permettre à la personne de comprendre, apporter un climat propice à la croissance et à la poursuite de la vie (avec ses souffrances, certes attenuées ;-).
Soigner? plutôt Accompagner  la personne à questionner, revoir, éclaircir ses buts de vie. La psychothérapie loin d’être pour les malades, pour les fous serait un peu comme une écluse dont la péniche a besoin pour s’élever et poursuivre son chemin jusqu’à la prochaine étape.

The show must go on

Le principal avantage de cette perspective est avant tout d’arrêter de se rendre malade d’être malade. Si je souffre, d’autres aussi et si cette souffrance existe c’est qu’il y a une raison. Changer son regard sur la souffrance peut déjà permettre de ne pas l’aggraver et de passer d’une fatalité à l’espoir.
Comme d’habitude un petit exercice pour illustrer mes propos:
C’est un exercice que j’ai déjà proposé mais il m’a semblé qu’une nouvelle fois celui-ci est approprié au sujet:
 

Premier exercice

 
    • ·         Fermez les yeux et imaginez durant quelques minutes « ce que vous n’êtes pas assez »
    • ·         Notez-le sur un morceau de papier
    • ·         Fermez les yeux de nouveau et réfléchissez depuis combien de temps vous luttez à être ce que vous n’êtes pas assez »
    • ·         Notez alors le nombre d’années en dessous
  • ·         Prenez quelques instants pour observer votre « Lutte »
 

Deuxième exercice

  • ·         Fermez les yeux: Imaginez en quoi vous a aidé ce « je ne suis pas assez ». Imaginez les avantages « à ne pas être assez ».



  • ·         Êtes-voustoujours aussi sûr de vouloir lutter, enlever cette partie de vous?
  Ceci symbolise l’acceptation, accueillir pour avancer.
 
 

Dernier exercice

 
Que diriez vous de reprendre à votre compte la philosophie de Pindare?

« Deviens ce que tu es »

 
Fermez les yeux, imaginez ce que vous êtes, votre point fort. Imaginez que cette qualité grandisse et recueille toute votre énergie. Quelle fleur avez-vous fait grandir?

J’espère que ce sujet vous aura plu et qu’il ne vous aura pas choqué car loin de moi l’idée de dire que les troubles psychiques sont nécessaires et normaux et qu’il faut les laisser comme tels. Le principe est bel et bien de développer une vision alternative au concept de « maladie » issu du modèle médical à l’aide des écrits de la psychologie positive, humaniste et de l’ACT.

A bientôt sur ce blog

Yannick

références:

Martin-Krumm, C., & Tarquinio, C. (2011). Traité de Psychologie Positive: Fondements théoriques et implications pratiques.
Nathan, T. (1998). Psychothérapies. Odile Jacob.

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.