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Psycho-Philo

Rebondir… ou pas. La Résilience.

Bonjour à tous,

Comment rebondir lorsque l’on fait face à une difficulté. Ou, pourquoi on ne rebondit pas, alors que cela devrait. Oui, ça devrait…comme tout le monde.

 

En effet, tout comme la bienveillance précédemment abordée, la résilience se transforme parfois en enfer, pavé de bonnes intentions.  Une obligation de rebondir, une obligation d’aller bien. Or lorsque rebondir se mue en injonction, « le ça va aller » prend la forme d’une nouvelle tyrannie « cela doit aller », et pourtant.

 

Et pourtant, rebondir, absolument c’est rebondir nullement.

 

 Abordons ici « le pourquoi cela ne marche pas ?».

La résilience où l’art de prendre une tarte

 

Alors, qu’est-ce que la Résilience dont tout le monde parle ? C’est d’abord un concept de physique qui consiste à réagir face à un choc. Dans un premier temps, une balle chute vers le sol, rentre en contact avec celui-ci,  absorbe le choc et ensuite, seulement, libère cette énergie accumulée pour remonter.

 

Une valse en trois temps

 

Il y a donc trois temps, or, on se centre toujours sur la remontée, le rebondir, en oubliant les deux premiers temps. Chuter, encaisser le choc. On aimerait rebondir sans taper le sol, aller bien sans aller mal. Mais la balle peut-elle rebondir sans toucher le sol ? Peut-on rebondir si on ne prend pas conscience de ce qui va mal ? Vous retrouverez ici quelques traces de l’article de la semaine dernière.

 

« Alors pourquoi est-ce que je ne rebondis pas (bordel !) »

 

Être bien pour ne pas être mal

 

Qu’est ce qui fait que mes gamins tiennent enfin la rampe de l’escalier ? Parce que je leur ai dit ? Non. Parce que, une chute dans l’escalier,  ça fait mal. En effet, c’est par elle que l’on apprend que la gravité aggrave la santé. Sans cette douleur, sans ces erreurs, est-il possible d’apprendre et donc de rebondir ? Non, celui qui n’apprend pas de ses erreurs est condamné à les revivre. No pain no gain.

Le problème de la résilience est lorsqu’elle se conçoit, comme la bienveillance, pour passer, vite fait bien fait, à autre chose, sans passer par la case départ. Apprendre de ce qui pique, apprendre à lâcher prise et accepter que les choses ont aussi le droit d’aller mal.

C’est donc le premier point, en ayant parlé la semaine dernière, je ne vais pas plus loin. Vouloir rebondir pour fuir le négatif. J’ai parlé ici : Ce contre quoi tu résistes existe

 

Être mal, pour le bien (des autres)

Ici ce n’est pas tant qu’on lutte pour ne pas souffrir mais que nous n’en avons pas conscience. Soit par éducation, soit que physiologiquement nous sommes plus insensibles ou plus tolérants aux contraintes. C’est être comme un ballon de baudruche qui, rempli d’eau, encaisse tellement le choc qu’il ne peut justement rebondir.  C’est par exemple le cas lorsque l’on nie ce qui ne va pas chez nous au profit du bien être des autres.

Tellement cool, tellement souple, qu’on se laisse faire. Amis super soignants, amis Bob l’éponge, amis Saint Bernard bienvenus : Prenez sur vous.

Ici on ne rebondit pas car, tel ce ballon, non n’avons pas conscience des contraintes. Nous les absorbons. Rebondir commencerait justement ici par prendre conscience de ces désagréments et de les refuser un peu plus. Apprendre à dire non, c’est prendre conscience de ce que l’on ne veut plus.

Prenons une métaphore : Comment faire cuire une grenouille ?

Pour faire cuire ce batracien vous pourriez faire bouillir de l’eau et l’y plonger. A cet instant, la grenouille, alertée par cette douleur, se tirerait d’un coup de cuisses. Pas folle la reinette. En revanche, si vous mettiez le pauvre animal dans une casserole d’eau froide et que vous chauffiez, très progressivement, que se passerait-il ? S’adaptant à la chaleur, en normalisant ses symptômes, elle se laisserait bien cuire le derrière. Burn out.

Comment la grenouille peut-elle faire appel à ses capacités de résilience pour se sortir de cette casserole si elle ne perçoit pas la douleur de la chaleur, si elle encaisse tout sans maux dire ?

 

C’est ainsi un second point qui empêche de faire face aux difficultés. Sans être exhaustif, il nous en reste un troisième, à l’origine d’une phrase bien assassine « tu as tout pour être heureux »… alors pourquoi tu ne rebondis pas ?

 

Bien mais pas top.

Il y a, dans la vie, des situations où il serait nécessaire de changer, de rebondir après un choc (puisque celui-ci est derrière nous). Ceci devrait nous servir de leçon mais cette situation n’est ni catastrophique, ni désespérée. « Ce qui est bien mais pas top » (celui qui trouve la référence gagne mon estime).

Tu as tout pour être heureux….

Tout le monde n’a pas la chance d’aller mal, pourrait-on dire. Cette énigmatique phrase illustre le fait que cette balle chute certes régulièrement mais pas d’assez haut pour en faire un beau rebond propre à aller de l’avant. C’est ce qu’on appelle en biologie de l’évolution un pic adaptatif. Un peu comme l’exemple précédent, on s’adapte à un environnement mais les choses ne vont pas suffisamment mal pour que l’on s’alerte.

Prenons un exemple. Imaginez un troupeau d’éléphants dans une clairière, broutant de l’herbe. La sécheresse sévit, il y a suffisamment d’herbe pour y survivre mais pas suffisamment pour qu’ils puissent y vivre correctement. Ce « juste ce qu’il faut » fait que ces éléphants vont rester dans cette clairière et ne vont pas aller chercher le meilleurs ailleurs. Avec un choc plus important ils seraient obligés de rebondir et de faire appel à leurs capacités pour aller chercher cette herbe un peu plus loin. Une salvatrice tarte nous permet parfois d’engager le changement et de rebondir un peu plus près des étoiles. Un licenciement, une crise covid, une séparation. Ce bien mais pas top se transforme en pas bien pour du top.

Pour changer et utiliser ses capacités de résilience il y a donc à accepter de perdre ce que l’on a pour gagner un bien plus grand. En plus de mieux identifier que l’on n’est pas top,  il y a ici à faire de la place à des sensations désagréables liées au sentiment de perdre quelque chose. Et personne n‘aime perdre.

Que faire ?

Pour que la balle rebondisse il faut qu’elle accepte qu’elle ne peut aller plus loin. Qu’elle encaisse cette charge et que quelque chose s’arrête. Il nous est d’abord nécessaire de prendre conscience de cela. La souffrance est là ainsi pour arrêter d’agir pareil, pour agir autrement. Aller mal pour aller bien.

Ce que l’on appelle le désespoir créatif (bel oxymore non ?) en Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT) c’est ainsi le fait d’être désespéré de ne plus pouvoir continuer comme avant. Désespéré parce que ça fait trop mal parce que l’on est trop triste.

Ce désespoir créatif est cette douleur de dos qui nous désespère de ne plus travailler comme avant et qui, ensuite, nous oblige à aller voir le médecin. Le désespoir créatif c’est aussi se rendre compte que nos conditions de travail sont trop devenues trop exécrables et qu’il nous oblige à faire appel à la créativité et à sortir de notre « pseudo » zone de confort et enfin nous réaliser. C’est bien ce processus qui nous conduit à l’acceptation de ce qui pique et d’en faire autre chose, autrement.

La résilience c’est donc cette capacité à rebondir qui, à la foi nous explique que la vie c’est aussi tomber dans des trous, c’est aussi toucher le sol, avoir mal et donc rebondir. C’est accepter ces emmerdes créateurs qui, d’un rebond salvateur, nous amènent à  filer vers les étoiles. Pour aller plus loin lire aussi cet article : Puisque je vais mal je vais aller mieux 

Alors l’idée n’était pas tant d’expliquer les leviers de ce processus que de vous amener à comprendre ce qui nous empêche d’avancer après un événement difficile. D’amener le fait qu’un concept, positif, quel qu’il soit peut amener l’inverse s’il n’est pas utilisé dans le bon contexte.

Utiliser la résilience à vouloir rebondir à tout prix sans prendre conscience de notre souffrance, c’est oublier les deux premiers temps de cette valse de l’existence. Tomber, encaisser, se relever. Cela arrive de tomber en dépression, en Burn-Out. Cela arrive de ne pas aller bien après un deuil, une séparation, une période de Covid. Le tout va bien nous emmure une nouvelle fois dans un donjon maléfique dont on a jeté la clé de l’humilité : Oui on peut tomber, oui ça fait mal, point de déshonneur là dedans. Et, pour paraphraser Socrate : La chute, la souffrance ne sont pas des échecs. L’échec c’est de rester là où l’on est tombé, sans accepter la douleur.

Or il arrive que l’on soit coincés, dans les dédales de cette résilience sans fil d’Ariane et il faut accepter parfois de demander un coup de main pour se sortir de ce labyrinthe.

Ceci fait du métier de psy une formidable occasion où les personnes en sortent (dans l’idée, car rien n’est ni magique ni automatique)  mieux qu’avant. Assistants de résilience.

 

Bonne semaine,

 

Yannick

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.