Psycho-Pratique

La possibilité d’un être. Elever un enfant comme on jardine

Avant de débuter cet article sur la façon dont on peut concevoir l’éducation de son enfant j’aimerais poser quelques précautions. En effet, j’ai toujours trouvé les articles sur la parentalité un peu culpabilisants et donneurs de leçons. On y disserte sur LA seule, vraie et nouvelle façon d’éduquer son enfant, comme si ce qui se faisait jusque là était à abandonner.
 



 
Il n’en sera point question ici ou du moins si vous en avez l’impression, ce ne sera pas mon intention. Il est évident que tout ce que je pourrai écrire n’est pas une règle à appliquer mais bel et bien une direction vers laquelle tendre tout du moins (et vers laquelle en tant que père je tente de tendre sans sûrement toujours y arriver).
 
Ainsi, l’éducation des enfants est propre à chacun selon sa culture, sa propre éducation et ses propres valeurs. Cet article est donc valable au sein de ma culture, de mon éducation et de mes valeurs. Je n’ai ainsi pas envie de vous les imposer mais plutôt envie de les partager.
 

Sujet sensible

 
Ces précautions posées, je vous propose de réfléchir aujourd’hui sur une manière d’élever son enfant avec comme ingrédients : De l’acceptation, de la compassion, de la psychologie positive, de la sincérité, de l’honnêteté, rien que ça 😉
 
 
 

Éduquer, élever un enfant

 
 Nous sommes d’accord, il y a plusieurs façons de considérer l’éducation d’un enfant et certainement pas une Bonne et une autre Mauvaise.
 
Arrêtons nous sur le sens de ces mots. Éduquer viens du latin ēdŭcāre qui signifie « former, produire »,  Élever vient du latin elevare qui signifie « soulever, porter plus haut ».
 
Vous observerez que ces deux mots supposent l’action d’un élément, normalement un parent, un professeur, sur un autre, un enfant et ce tels un émetteur et un récepteur. Or, ces émetteurs et récepteurs ne sont pas neutres ni fixes selon les époques.
 
 C’est aussi considéré selon un seul mouvement unidirectionnel et censé se dérouler sans encombre. Or, force est de constater qu’éduquer et élever un enfant est devenu plus complexe au fil des années et invite peut être à un changement de point de vue.
 

La pression

 
En effet, depuis quelques temps, on observe de quelle manière nos enfants peuvent être en difficulté soit à l’école ou encore au sein de notre foyer.  Que ce soit en CP ou en Terminale, la pression exercée est parfois mal vécue et l’éducation « à l’ancienne » fait parfois des dégâts.
 
J’entends par à l’ancienne » la mise en exergue des échecs plutôt que des réussites qui sont elles normales, j’entends également par là « le de mon temps » et la tendance à voir en nos jeunes une génération pourrie gâtée (nous qui n’avions qu’une orange pour Noël ;-).
 
 
Non, nos gamins sont des fusées à réaction mais qui nécessitent plus d’entretien que par le passé et surtout qui, mal dirigées, se détournent en vol.
 
Explication.
 

LE CHANGEMENT DE PARADIGME

 
En un siècle, la technologie a considérablement changé la façon d’élever nos enfants, le téléphone, internet (pensez qu’avant il y avait les « tout l’univers » à la place) et maintenant les réseaux sociaux. Les enfants d’aujourd’hui sont loin devant, en terme d’éveil, les enfants que nous étions hier.
 
Avant, l’éducation reposait essentiellement sur la reproduction et la perpétuation d’un modèle. Il était décidé par avance de l’avenir de l’enfant, le premier pour l’armée, l’avant dernier pour les ordres et le dernier pour la mère (je ne suis plus sûr de l’ordre mais il y avait de cela). Nos rôles étaient prédéfinis et il était difficile et mal vu d’y échapper. On était alors charpentier de père en fils, couturière de mère en fille.
 
L’éducation était alors réalisée sur un mode vertical un peu sur un mode de « droit divin ». Ce modèle confortable ne tenait alors pas compte de l’enfant. Mais, peu à peu, et Dolto est passée par là, les enfants ont eu droit au chapitre de leur destinée.
 

Et Dieu créa Dolto

 
 
C’est ainsi qu’une génération intermédiaire a peu à peu rompu avec ce modèle, non sans difficulté, et il est admis désormais de pouvoir changer de carrière en cours de route et de décider de son sort. J’en prends pour preuve les générations de quadra, quinca voire sexagénaires qui décident de vivre selon leur désirs. Une mutation est alors en cours, mutation que les enfants d’aujourd’hui ont pleinement intégré comme sait si bien le traduire ma fille de quatre ans à qui je demande « de qui es-tu la fille? » réponse « je suis la fille de moi! » : une ado mutante en devenir.
 
En effet, c’est comme cela que l’on appelle les ados des années 2000, les ados mutants. Mutants parce qu’avec eux le paradigme éducationnel a changé. Fini la transmission où l’un sait et l’autre apprend. Désormais la relation est horizontale les deux savent et ont à apprendre les uns des autres. On élève un enfant mais un père, une mère s’élève en même temps car nous ne pouvons plus compter sur notre propre modèle, tellement le monde a changé. Nos enfants sont tellement éveillés qu’il n’est plus possible de les éduquer sans prendre en compte leur personnalité, leurs désirs…
 

De l’angoisse d’être libre

 
Mais, ce n’est pas plus simple pour eux car autant on décidait de tout avant, là il leur est dit « va, trouve et décide ce qui est bon pour toi » ce qui est terriblement angoissant lorsque l’on a 15 ou 16 ans. Il est alors assez fréquent que j’aie en consultation des élèves angoissés et coincés par la question et la pression de l’éducation nationale (où il est désormais si difficile de redoubler) « que veux tu faire demain? » et « ne te trompe pas car tu ne pourras pas changer ».
 
Plus éveillés, plus sensibles plus anxieux… Génération Bob l’éponge
 
Nous sommes tous d’accord pour dire que nos enfants, nos ados sont beaucoup plus éveillés que nous à leur âge. Ils pigent tout et plus vite.
 
Ces mutants perçoivent alors beaucoup plus d’informations que leur cerveau ne peut en traiter – elle y est aussi beaucoup plus importante. L’information est ici une stimulation (images, son..etc). En effet, la technologie rend à la fois le contenu plus foisonnant mais le support aussi, je pense notamment aux écrans LED qui perturbent notamment le cortex visuel et l’attention. Cette sur-stimulation rend alors nos enfants plus anxieux, l’anxiété étant due à la différence entre l’information et la capacité à la traiter : une sorte de surchauffe.
 

Ultras sensibles

 
Ils sont alors plus sensibles à l’affect, ce qui fait qu’un commentaire « tu es nul(e) » ne prend plus la même place qu’avant et doit nous inviter à repenser nos interactions sans pour autant passer dans l’excès inverse « le couvage de Tanguy ».
 
Ils pompent alors tout ce qui les entourent:
 
My name is Bob, Bob l’éponge.
 
 
L’insouciance de l’enfance n’est plus ce qu’elle était.
 
 
La voici la complexité dont je vous ai parlée auparavant. Des ados mutants, des parents sachant autant qu’apprentis, un système à pression sélective.
 
 
 

LA POSSIBILITÉ D’UN ÊTRE

 
 
Vous l’avez compris les enfants mutants ne s’éduquent probablement plus selon un schéma préétabli, notre schéma ou celui que l’on avait prévu. Ceci nous impose alors une prise de conscience: qui est-il? pourquoi est-il fait? comment réagit-il? Et ainsi voir son enfant tel qu’il est et non tel que….la société aimerait qu’il soit.. ce qui serait le mieux actuellement…
 
Du fait même des mutations sociétales et puis aussi du fait que nos enfants sont une partie de nous mais aussi une partie de l’autre parent, cet alliage mérite d’être découvert un peu comme une carte de grattage que l’on met 5, 10, 15 années à découvrir.
 
 

CONNAIS TOI TOI MÊME?

 
 
ben je vais apprendre à te connaitre et même t’aider à te connaitre un peu…
 
Revoici notre cher Socrate qui nous invite à nous connaitre avant même de démarrer quoi que ce soit.
 
Et si l’éducation était non pas un savoir à transmettre mais aider l’élève à se connaitre, à connaitre ses goûts. Lui permettre de découvrir sa façon d’apprendre, ses limites, ses qualités. Et alors s’appuyer dessus plutôt que de mettre en exergue de ses faiblesses.
 
Passons enfin à une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine. La connaissance oui mais de soi. En effet, car à travers les apprentissages c’est soi même que l’on découvre.
 
Et si c’était le rôle de la société de croire en sa jeunesse. Et ce inconditionnellement plutôt que lui faire peser  le poids d’une comparaison inutile.
 
 

Nos enfant sont uniques.. et précieux telle un germe, une plante en devenir.

 
C’est alors que j’aimerais convoquer Nietzsche et sa volonté de puissance pour étayer mon raisonnement.
 
Nous avons planté la graine et la plante ne peut être autre chose que plante
 
Selon la volonté de puissance de Nietzsche la plante devient une plante, rien ne peut la faire changer ni l’empêcher de pousser…on peut l’en empêcher et répandre du béton, mettre un film plastique et au final? Eh Bien la plante devient plante et perfore tout cet attirail.

 

Un élan vital

 
La volonté de puissance est un peu comme l’Élan Vital de Bergson ou encore le chi en philosophie chinoise une énergie qui de toute façon nous pousse à être nous même, à nous d’y consentir ou non.  Cette force est symbolisée par le Sipo matador d’Amazonie. En effet , celle-ci pousse avec force et détermination pour rejoindre la lumière au sommet de la canopée et rien ne peut l’arrêter.
 
 
Et si la question était alors de quel bois est fait mon enfant? De quelle manière vais-je l’aider à s’élever et rejoindre la lumière? Ceci plutôt que de faire reposer sur lui une chape de béton d’attentes et de pression inutile.
 
Si votre enfant est une graine de cactus, ce sera un jour ou l’autre un beau cactus même si vous aviez pensé, rêvé à un beau chêne. Peut être pourrions nous laisser tomber la pelle et la bétonneuse non ?
 
Car, au final, tôt ou tard, le cactus percera la chape de béton pour se révéler, non sans avoir perdu du temps. J’en tiens pour preuve le nombre de personnes qui  ont changé de carrière pour faire ce pour quoi ils étaient réellement faits.
 
Et à ceux qui ont peur que leur enfant soit un bon à rien… le philosophe Ralph Waldo Emerson répond
 

Une mauvaise herbe est une plante dont on n’a pas encore trouvé les vertus.

 
 
 
Passer de la possibilité d’un être au « deviens de ce que tu es » de Pindare:
 

Trouver sa voie

 

L’essentiel est alors de permettre à nos enfants de devenir qui ils sont, à nous de nous transformer en jardinier.

En effet, élever un enfant, c’est un peu comme jardiner. Nous pouvons tirer sur la plantes autant que nous voudrons. Essayer de la tenir pour qu’elle tienne debout, la manipuler pour qu’elle ne soit pas la plante qu’elle est. Rien n’y changera. Un jardinier ne décide pas de la façon dont pousse la plante, il lui permet de devenir elle même. Et cela dans sa plus pure et grande extension.. tel le sipo matador.
 

 

QUELLE EST LA MEILLEURE MANIÈRE DE TRANSMETTRE ET D’ÉLEVER NOS ENFANTS?

 

Mais, vous l’avez compris, nos mutants nous obligent nous aussi à nous connaitre et devenir le parent que nous sommes. En effet, nous ne pouvons compter sur la façon dont nous avons été élevés pour prendre modèle. En effet, en thérapie familiale on considère que deux personnes qui ont trois ans d’écart n’ont que très peu de points communs en terme de mode de vie.
 
Oubliez alors vos 25-30-35 années de différences d’avec votre marmaille. Il nous faut alors nous inventer et peut être réfléchir au parent que nous souhaiterions être pour transmettre (voir l’exercice de fin d’article).
 
Mais d’ailleurs  nous avons parlé d’éducation, de transmission de modèle. Savez vous quelle est la meilleure manière de transmettre des valeurs à son bambin?
 
En lui disant quoi faire? Non
En l’aidant à faire? Non plus
En faisant pour lui? Que nenni
Réponse? Par l’exemple..
 
 
 

et surtout rien ne vaut un modèle imparfait.. car il est améliorable. En effet, imaginez-vous être enfants de parents parfaits (voir cet article sur le bonheur de l’imperfection)  . Quel effet cela fait-il?

 

alors…

ÊTRE (TENDRE VERS) DES PARENTS PLEINEMENT PRÉSENTS

Une voie peut nous amener à regarder nos enfants tels qu’il sont et prendre de la distance d’avec nos attentes, nos jugements et notre envie d’être des parents parfaits.
 
Se diriger vers des parents « suffisamment bon » comme le dit D.Winnicot.
 
Ainsi, je cite volontiers les conseils de  Myla et Jon Kabat-Zinn dans leur livre « A chaque jours ses prodiges ». Et gardez-vous de vouloir tous les appliquer à la perfection  😉 ou du moins tentons d’être parfaitement imparfait.

1. Le monde du point de vue de l’enfant

Myla et Jon Kabat-Zinn nous invitent à imaginer le monde du point de vue de nos enfants plutôt que de notre propre point de vue. Il peut être alors parfois intéressant d’imaginer ce qu’il peut ressentir ou penser et pousser le bouton de l’empathie à bloc.

De cette manière nous entrons en connexion avec le Mutant et il nous est plus facile de nous adapter. Prendre son point de vue c’est prendre le point de vue de l’époque et non de l’enfant que l’on était.

2. Nous en tant que parents du point de vue de l’enfant

Imaginons à quoi nous ressemblons du point de vue de notre enfant.

Toujours depuis ce point de vue, ceci nous permet de mieux cerner l’impact de nos réactions et ainsi de mieux les adapter à l’enfant du 21ème et non du 20ème.

3. Nos enfants sont parfaits tels qu’ils sont

Nous pouvons nous entraîner à voir nos enfants tels qu’ils sont sans chercher à les changer, sans leur poser d’étiquettes.

4. Nos attentes parentales

Nos attentes sont-elles dans l’intérêt des enfants ?
Comment communiquer ces attentes aux enfants ?
Quels sont nos comportements limitatifs ou destructeurs qui sont l’héritage de ce qui se passait dans notre propre famille ?

Rendre conscientes nos attentes parentales et les questionner est un processus constant, parfois douloureux, car il nécessite une remise en question de nos présupposés, de notre propre éducation, de nos croyances.

5. Les différentes facettes de l’altruisme

Myla et Jon Kabat-Zinn écrivent qu’une partie essentielle de notre travail de parent est de connaître nos besoins et de les communiquer aux enfants de manière adéquate, sans violence, en respectant également les leurs.

Quand les enfants sont petits, pratiquer l’altruisme, défini comme le souci désintéressé du bien-être d’autrui, signifie nécessairement de faire passer leurs besoins avant les nôtres.

Quand les enfants grandissent, l’altruisme peut signifier leur accorder plus de responsabilités et de liberté d’action pour satisfaire leurs propres besoins.

 6. Méditer, rester calmes et attentifs

Appliquer la pleine conscience au quotidien (voir cet article pour savoir ce qu’est la médiation de pleine conscience) peut nous permettre de mieux vivre nos sentiments désagréables qui parfois rejaillissent sur nos enfants.
 
N’oubliez pas qu’il sont sensibles à l’affect et donc aux vôtres: génération Bob l’éponge. En soignant notre équilibre (voir cet article Méditation de pleine conscience) nous sommes ainsi plus aptes à accueillir leurs déséquilibres (car c’est par cela que l’on se construit), Nous serons ainsi telle une ancre à qui s’accrocher.

7. Les excuses

Présenter des excuses aux enfants quand nous trahissons leur confiance, quand nous allons trop loin, montre que nous avons réfléchi à la situation, que nous sommes capables de la voir plus clairement et d’adopter leur point de vue.

8. Dans notre cœur

Myla et Jon Kabat-Zinn nous conseillent de toujours garder dans nos cœurs une image de chacun de nos enfants,

9. Être clair, solide et sans équivoque

Cela doit venir autant que possible de la conscience, du discernement et de l’ouverture du coeur, plutôt que de la crainte, de la suffisance ou du désir de tout contrôler.

10. Être soi-même, authentique

Le plus grand cadeau que vous puissiez faire à votre enfant, c’est vous-même !

Être ou ne pas Être telle est la question? Et Bien à mon sens non. Je m’éloigne quelque peu de ces deux auteurs en disant qu’il ne faut être tout cela. En effet, « Être ces 10 principes » est impossible et nous tomberions dans ce que j’ai évoqué au début : un modèle prescriptif, normalisant et culpabilisant.

En revanche, nous pouvons observer lorsque nous nous rapprochons ou non de certains d’entre eux, comme dans l’exercice que je vous propose ci-après.

Un petit exercice pour agir selon vos valeurs parentales?

Cet exercice vise à vous faire prendre conscience tout d’abord du parent suffisamment bon vers lequel vous aimeriez tendre.

1 Définissez vos valeurs parentales

Citez 5 qualités vers lesquelles vous aimeriez tendre

2 Essayez d’identifier de quelle manière vous vous comportez lorsque vous agissez en direction de celles-ci. Imaginez un personnage de film, de dessin animé ou encore un animal ou une couleur qui représenterait le mieux cette façon de vous comporter.

3 Identifiez ensuite ce qui vous accroche et vous fait parfois vous comporter d’une manière opposée. Une situation, une pensée, une émotions?

4 Essayez d’identifier de quelle manière vous vous comportez lorsque vous êtes accroché par cet hameçon. Imaginez un personnage de film, de dessin animé ou encore un animal ou une couleur qui représenterait le mieux cette façon de vous comporter.

5 Le but est alors pour vous d’identifier au plus tôt et dans le moment présent lorsque vous vous transformez en l’un ou l’autre personnage animal..etc et la conséquence pour votre enfant.

Merci pour votre lecture ainsi que vos commentaires et à bientôt

Yannick 

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.

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