Psycho-Philo

Le bonheur de la transgression

Bonjour à toutes et à tous,
 

Ce mois-ci j’aimerais vous entretenir d’une idée venue au cours d’une séance: le bonheur de la transgression. Un de mes patients revendiquait alors le droit à l’oisiveté, le droit de ne rien faire, transgresser la loi qui nous invite à faire 30 minutes d’activité physique par jour (qui les fait?).

Vous l’aurez compris, il n’est pas question ici de transgresser la loi républicaine mais plutôt ces petites lois nous invitant à faire ceci, cela, pour aller mieux, être heureux, absolument, tout le temps.

Le sommes nous? Pas forcément, pas tout le temps

Effectivement, aller bien, manger-bouger, 5 fruits et légumes, zéro tabac et donc 30 minutes d’activité physique par jour sont des recommandations, des règles que nous entendons à longueur de temps.
 
Étant assez réactif à toutes sortes de règles rigides et péremptoires je me suis rendu compte que les thérapies cognitives et comportementales et notamment les thérapies d’acceptation et d’engagement pouvaient être également prescriptrices de règles qui parfois font le contraire de ce qu’elle visent.
 

En ACT, nous apprenons à moins passer du temps à lutter contre nos ressentis désagréables pour mieux avancer vers ce qui compte pour nous. Il y a donc une phrase que l’on se répète souvent à propos d’une action:

« Est-ce que cela m’approche ou bien

est-ce que cela m’éloigne de ce qui est important pour moi ».

A force d’observer les effets positifs lorsque l’on se rapproche des gens ou de nos valeurs qui nous sont chères, il advient un effet pervers: vouloir y rester, à tous prix et finalement s’en éloigner.

 

Oui, on finit parfois par ne vouloir ne réaliser que des actions qui ont du sens, que des actions qui nous rapprochent de nos valeurs. Ceci nous conduit alors à ne plus accepter de réaliser des actions pour ne plus ressentir telle ou telle sensation désagréable, exemple:
 
Julie est une sage femme de 26 ans arrivée à la fin de sa thérapie. Après avoir consulté suite à un burnout, Julie a pu percevoir que se réfugier dans l’hyperactivité et l’agressivité était une action d’évitement de ses soucis de couple. Plutôt que de réaliser des actions pour se rapprocher de son mari, Julie, guidée par la colère préférait se réfugier dans le travail. Plus de travail = moins de couple, le cercle vicieux s’est alors refermé.
 
A la fin de sa thérapie Julie a alors appris, malgré ses sensations de colère, à communiquer avec son mari. Mais, très perfectionniste Julie n’acceptait désormais plus son agressivité.
 

Se fiche la paix

 
Pourtant, il peut être normal de s’emporter parfois surtout lorsque la fatigue nous prend. Mais elle ne le voit pas comme cela, Julie culpabilise de s’emporter encore contre son mari et ses enfants : »tu ne dois pas faire cela » « je suis nulle car je sais que je devrais parler » « maintenant que tu sais ce qu’il faut faire tu ne dois plus t’emporter ».
 
Or, Julie a remplacé une lutte par une autre. En effet, cette culpabilisation excessive l’éloigne de la personne qu’elle aimerait être, puisque lorsqu’elle culpabilise, Julie rumine… et devient encore plus agressive: la communication s’éloigne.
 
Julie est victime de trop bien vouloir appliquer ce qu’elle a appris en thérapie.
Ainsi à force de vouloir avancer sans cesse on finit par reculer. De vouloir le bonheur absolu on finit par s’en éloigner.
 

Alors? Ben alors on transgresse.

On transgresse la loi thérapeutique qui indique par exemple que plutôt que boire une bière pour gérer son stress nous devrions affronter le problème pour résoudre les choses. On accepte de ne pas toujours agir comme il se devrait.

 

Oui que se passerait-il si Julie prenait les choses de cette manière. « Bon ce n’est pas grave, cela peut arriver de s’énerver » « j’ai le droit de m’emporter mais j’ai aussi le devoir de m’excuser » « excuse-moi chéri , j’ai mordu à mon hameçon de la colère » et le mari de répondre « ce n’est pas grave, ça arrive à tous le monde ».

Vouloir ne plus jamais être comme avant conduit ainsi à ne plus accepter certains écarts, certaines angoisses, certaines pensées… et donc à retomber dans le piège puisque plus l’on cherche à éviter ces ressentis plus ils reviennent!
 
Mais qui ne s’emporte pas, n’est pas angoissé ou ne fait pas parfois l’inverse de ce qu’il aurait dû faire?
 

Personne

Ainsi, à ne pas accepter l’écart je réponds accepter celui-ci, accepter la transgression de cette règle qui nous impose de toujours être BIEN.

Transgression du bonheur absolu pour un bonheur de la transgression

 
Imaginez que vous réagissiez toujours comme la personne que vous aimeriez être. Imaginez ne plus manger du chocolat parce que vous êtes angoissée, ne plus râler parce que vous avez mordu à votre hameçon de l’injustice? Quelle saveur auraient nos actions qui ont du sens si nous  ne goutions pas de temps en temps à d’autres, contreproductives? Le bonheur sera-t-il le même si ne le percevions pas par contraste avec la souffrance.

 Quel effet ferait cette perfection sur les autres? Imaginez les relations sociales d’une personne qui agit  toujours comme il le faut?

Visionnez le sketch du « Blond » de Gad Elmaleh pour observer ce que cela fait d’observer cette personne.

Pourquoi rions nous? Parce que cela nous renvoie à notre désir de perfection autant qu’à notre malaise face à notre imperfection. Ceci, au final, nous fait prendre une distance ainsi qu’une acceptation : « je ne suis pas si mal finalement ». Si autant de personnes en rient c’est qu’autant de personnes sont concernées non?

Mais encore, en tant que parents quel modèle donneriez vous à vos enfants en étant toujours au top? Charly Cungi, un de mes professeurs en TCC dit : « rien ne vaut un modèle imparfait. »  Effectivement, l’imperfection donne une figure humaine, accessible à l’autre autant qu’elle suscite l’envie de le dépasser: n’est-ce pas le but de l’éducation de nos enfants?

 
 

La transgression, une remède nécessaire, un exutoire

 
Se mettre en colère, manger, éviter une situation servent parfois d’exutoire. En effet, l’idée ici est d’accepter que parfois la pression soit trop forte et que le contexte ne nous aide pas, impliquant le fait que la transgression de nos valeurs soit parfois une solution pour se reprendre.
 
Autre argument en faveur de la transgression, il n’y a parfois pas de différence en terme de qualité entre: un comportement qui nous rapproche de nos valeurs d’un autre comportement qui nous en éloigne, mais il y a plutôt une différence en terme de quantité. En effet, manger du chocolat, pour une personne avec un trouble du comportement alimentaire, peut être considéré comme un éloignement par rapport à la valeur d’alimentation équilibrée mais qu’en est-il d’un seul carré? Or, si l’on se braque de suite sur le « non il ne fallait pas »… que se passera-t-il ensuite ? Ainsi, ce que l’on considère comme une action qui nous éloigne d’une valeur est bien souvent quelque chose de bénéfique au départ, mais qui ensuite de par sa quantité ou son intensité nous en éloigne.
 

Une fois de plus accepter de ne pas toujours être « Blond(e) » c’est rester flexible….pour ne pas rompre.

 

Mais pourquoi alors le bonheur?

 
Le bonheur c’est de nous accepter tel(le)s que nous sommes, imparfait(e)s. Le bonheur c’est observer lorsque nous agissons à l’opposé de ce qui compte, sans nous juger, juste se considérer comme humain et faillible pour ainsi peut être mieux réagir dans un second temps.
 
Une autre façon certes un peu « taquine » d’envisager cela sous l’angle du bonheur est son effet, sa conséquence. Un peu à l’image de l’exercice sur l’éléphant rose souvent cité dans ce blog où je vous invite à ne plus penser à l’éléphant rose (augmentant vos pensées « éléphant rose ») puis en vous invitant à y penser de toutes vos forces (là les pensées s’évaporent).
 

Plus je le veux moins je l’ai

 
Ne trouvez-vous pas que de s’interdire de réagir puisse faire le même effet que de s’interdire de penser? Que se passerait-il alors si nous prenions la transgression (ne pas agir selon ses valeurs) comme un bonheur, une possibilité, parce qu’heureusement nous sommes vivants et qu’être vivant c’est accepter de faire des erreurs.
 
Le bonheur de cette transgression se différencie de la compassion (s’accepter tel que l’on est) par le fait qu’en prenant un réel plaisir à NE PAS agir toujours comme il se doit peut nous ouvrir à une jubilation. Bien évidemment, vous m’aurez compris, l’idée n’est pas de fumer, boire et/ou conduire à toute allure mais bel et bien de prendre plaisir à être imparfait. La transgression est un fait, une évidence, personne ne peut être parfaitement en phase avec ce qu’il aimerait être. Et pour reprendre le titre d’un livre de Christophe André:
 

IMPARFAITS LIBRES ET HEUREUX

 
 

Le bonheur de ne pas toujours avancer, de transgresser l’idée de ce que l’on aimerait toujours faire, peut nous ouvrir à plus de compassion et d’acception de ce que nous sommes.

En conclusion la règle ne se pose pas en terme « d’être ou ne pas être » mais plutôt de faire plus de choses qui nous rapprochent que d’actions qui nous éloignent : passer du tout ou rien rigide, à plus de nuances.

 

Ainsi Julie en acceptant de ne pas toujours être la mère, l’épouse, la femme qu’elle aimerait être se sent mieux dans sa peau, mieux dans sa vie car elle accepte de ne pas être parfaite ce qui ne veut pas dire anormale.

 

Ceci introduit l’article du mois prochain à savoir  Suis-je anormal? Ou comment se défaire d’une autre idée « tout ou rien »: La normalité.

Au mois prochain !

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.

2 commentaires

  • Anonyme

    Bonjour !
    Ok, le bonheur c'est de nous accepter tel que nous sommes, imparfait. J'adhère totalement. Mais comment s'accepter tel que nous sommes quand depuis presqu'une vie entière, on nous a fait savoir qu'être comme nous sommes n'est pas bien, pas assez, qu'on nous marginalise en disant" c'est son côté artiste " en sachant que les artistes sont considérés comme des personnes différentes mais pas dans le bon sens du terme, qu'on est laissé de côté parce qu'on est trop ceci ou cela, qu'on fait une différence entre ceux qui rentrent dans le moule et les autres ? Et comment faire pour, une fois adulte, être qui on est quand on a oublié qui on est vraiment à force de vouloir rentrer dans le cadre des uns et des autres simplement pour avoir l'impression qu'on nous aime ?

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