Tab’ agis! Lutter contre la dépendance tabagique avec les TCC
Arrêter de fumer, des clés pour y arriver….
Nous allons donc parler dépendance et donc plus particulièrement de la dépendance tabagique, véritable fléau en vente libre.
Je ne vais pas jouer au moralisateur ou avec la peur de la maladie.etc. La politique de santé actuelle insiste déjà lourdement sur ce sujet. De plus ce n’est pas mon style. La peur n’a jamais fait avancer durablement. En tant que comportementaliste, je préfère de loin le renforcement positif.
« L’arrêt du tabac doit être une partie de plaisir »
En effet, le principe du travail sera de travailler à préférer la vie sans tabac plutôt qu’avec, une notion de choix et non de contrainte donc.
Alors par où commencer ?
Deux façon d’abord cet article. si vous êtes hésitant face à l’arrêt privilégiez le début, si vous êtes proche de l’arrêt vous pouvez aller directement aux outils (dépendance psychologique..etc)
Parlons quelque peu du produit…
Comme vous le savez peut-être, le tabac est une plante importée à la fin du XVIII siècle. Son essor est dû à la fois à l’effet de mode, à la volonté des cigarettiers ainsi qu’à l’état lui même.
Pourquoi est-on dépendant du tabac?
Le tabac comporte de la nicotine qui est un stimulant. Sa prise accélère le rythme cardiaque et améliore la sécrétion de l’adrénaline entre autres. Cette molécule joue sur le système récompense du cerveau, le système du plaisir. Ainsi, plus on stimule ce système moins la dose est efficace. Un cercle vicieux se crée alors car la dose doit être augmentée pour être efficace et elle crée ainsi l’effet de manque. C’est cet effet de manque qui définit la dépendance, comme nous le verrons plus loin. Mais il n’y a pas que la nicotine, il y a aussi des substances appelée IMAO qui jouent sur le cycle de l’humeur et jouent les effets d’un antidépresseur.
Stimulant, antidépresseur, plaisir voire coupe faim, magnifique produit me direz vous ! Sauf que ces effets certes bénéfiques sont payés d’autres beaucoup plus néfastes… cancer, bronchite chronique, vécu de dépendance…etc. Ces bénéfices deviennent alors bien minces.
Mais finalement la nicotine et les IMAO ne sont pas si dangereux que cela pour le corps si ce n’est l’effet dépendant. Les principes les plus nocifs sont ailleurs.
Cocktail…
Au premier rang le monoxyde de carbone… ce gaz également issu des chauffages défectueux et qui occasionne des décès l’hiver. Ce gaz se dégage lorsque l’on brûle quelque chose. Ce monoxyde de carbone va entrer dans le sang et prendre la place de l’oxygène et ainsi provoquer tout un tas d’effets nocifs. Pour n’en citer que quelques uns, contraction des artères (risque d’infarctus, fausse couche) et cancers en tous genres. Il y a également tout un tas de métaux lourds.
Autant dire qu’il est inutile de manger Bio si vous fumez 🙂
Allez, pour finir… car je vous ai dit que la peur n’était pas ma tasse de thé :
….Et ingrédients cachés
Petits cadeaux des cigarettiers, les fabricants de tabac, pour vendre plus, concoctent de petites recettes. Tout d’abord sachez bien que ce qui est fumé reste une feuille. N’avez vous jamais essayé de fumer de la paille ou autre végétal étant enfant? Là c’est pareil, alors comment aimer ça? Grâce à la chimie et à la cuisine. Premièrement grillez les feuilles (« Toasted ») pour donner un gout plus sucré puis ajoutez des broncho-dilatateurs (type ventoline) pour dilater les bronches lors de l’inhalation et éviter la toux. Enfin, mettez-y quelques pincées d’ammoniaque pour faciliter l’entrée de la nicotine dans le cerveau et donner un effet shoot améliorant ainsi la dépendance.
Et encore ce n’est que la version officielle car la fabrication est aussi secrète que celle du coca!
Alors, comment s’arrêter?
Tout d’abord je tiens à préciser une chose : S’arrêter n’est pas une simple question de volonté. Peut-être pour une majorité faiblement dépendante mais pas quand on parle de forte dépendance.
Parlons plutôt de motivation. En effet, si l’on fume c’est qu’il y a une raison, peut-être pas la meilleure mais c’est avant tout une solution. L’abord de la dépendance devient alors une affaire de motivation soit avoir une raison plus importante de ne pas fumer.
Pour commencer autant parler franchement. Il n’existe à l’heure actuelle aucune technique magique permettant d’arrêter facilement. Comme pour les régimes, beaucoup de techniques fonctionnent à court terme mais pas à long terme. Ce qui ne veut pas dire que rien ne marche, bien au contraire. Ce que j’entends par là c’est que tout fonctionne mais pas obligatoirement du premier coup. Arrêter de fumer consiste à apprendre à ne plus fumer. Si vous êtes habitués de ce blog vous saurez que lorsque l’on apprend on échoue pour réussir, j’y reviendrai plus tard. En résumé, à chacun de choisir sa technique d’aide, pour l’heure voici l’abord TCC de la dépendance.
L’aide à l’arrêt du tabac, en TCC, se décompose en trois facettes. En effet, la dépendance tabagique comporte un aspect physique (le manque de nicotine), un aspect psychologique (le stress qui conduit à la prise de cigarette) et un aspect comportemental (les habitudes, « clope-café » par exemple).
1 LA DÉPENDANCE PHYSIQUE
Êtes-vous dépendant?
La dépendance se révèle lorsqu’on s’abstient de fumer. Survient alors une sensation de manque, nervosité, agressivité, conduisant à la reprise d’une cigarette.
Pour connaitre votre degré de dépendance voici le test de dépendance le plus couramment utilisé.
Vous aurez compris que plus le chiffre est élevé plus vous aurez besoin d’un soutien. Ce soutien est majoritairement pharmacologique.
Voici les solutions qui ont prouvé leur efficacité soit tout autre méthode est à l’heure actuelle, non prouvée.
Les patchs
Lorsque vous arrêtez de fumer vous stoppez l’apport de nicotine auquel est habitué votre corps. Le principe est de complémenter cet arrêt par de la nicotine. Les patchs sont adaptés à votre degré de dépendance. Le principe est ensuite de diminuer progressivement pour habituer le corps à faire face à l’absence de nicotine.
Les gommes
Le principe est le même que les patchs. Elles sont souvent données en relais de patch. Elles existent en 2 ou 4 mg et se prennent lorsque l’envie est forte.
Les médicaments, Champix et Zyban
Le principe ici est de prendre une molécule qui va empêcher la nicotine de se fixer sur les récepteurs du cerveau ou provoquer une baisse de l’envie de fumer.
Ces traitements sont très efficaces lorsque l’on est dépendant physiquement. Mais comme nous avons pu le voir cet aspect ne représente qu’ 1/3 du problème. Voici la suite…
2 LA DÉPENDANCE PSYCHOLOGIQUE ET COMPORTEMENTALE
Comprendre sa dépendance. Toute démarche en thérapie cognitive et comportementale commence par une analyse fonctionnelle: comment fonctionne mon problème?
Voici 4 étapes pour vous aider à comprendre votre tabagisme:
1 Évaluer sa motivation à continuer ou à arrêter
Un comportement est toujours conditionné par ses conséquences. En d’autres termes si l’on fait quelque chose c’est que l’on y a intérêt. Ainsi si le comportement tabagique se maintient c’est qu’il y a plus de raisons de continuer que de raisons de s’arrêter. Simplissime me direz vous. Il y a souvent beaucoup de surprises en faisant cela. Ainsi, à ce stade nous analysons la motivation. Soit les arguments pour et contre le fait de fumer. Le tout quoté entre 0 et 10 afin de pondérer ceux-ci.
Avantages de continuer à fumer
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Inconvénients de continuer à fumer
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Prendre du plaisir 10
Gérer le stress 10
Tuer le temps 8
Garder mon poids 7
Total 35
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Cancer 10
Problèmes d’argent 9
Image vis à vis de mes enfants 7
Total 28
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Pour Catherine il est évident que pour l’instant, son tabagisme comporte beaucoup d’avantages. L’arrêt n’est pas envisageable en l’état.
Le travail de la thérapie va consister à faire baisser les avantages (gestion du stress, infos diététique) et faire remonter les inconvénients (perception du risque et des enjeux globaux).
Souvent avant de remplir cette « balance décisionnelle » (celle qui explique la décision) la personne pense avoir plus d’inconvénients à arrêter. Intéressant donc…
Explorons maintenant l’arrêt du tabac:
Avantages d’arrêter de fumer
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Inconvénients d’arrêter de fumer
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Plus de dépendance 10
Ne plus être essoufflé 9
Pouvoir emprunter 7
Ne plus sentir le tabac 5
Total: 33
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Peur d’être stréssé10
Prendre du poids10
Total: 20
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Ainsi, cela peut paraitre bizarre mais cette personne possède de forts avantages dans les deux cas, arrêter et continuer. C’est tout à fait normal et fréquent, cela signe l’ambivalence « j’aimerais bien mais j’peux point ».
Poursuivons cette analyse maintenant avec l’observation des bénéfices à fumer immédiatement contre les inconvénients à long terme.
Avantage à fumer à court terme
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Inconvénients à fumer à long terme
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Plaisir 10
Calmer l’angoisse 10
Total: 20
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La maladie 10
Le souffle 10
Que mes enfants fassent comme moi 10
Rendre mon mari malade 10
Total: 40
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Ainsi Catherine observe clairement les effets néfastes à long terme.
L’ensemble de ces tableaux constitue donc la carte d’identité de son comportement tabagique.
Le travail en TCC sera d’analyser ces réponses, de les discuter, de trouver une solution à chaque problème. Par exemple nous observons que chez Catherine le stress et la prise de poids sont des facteurs de maintien importants. Nous travaillerons donc la gestion du stress et quelques conseils diététiques.
2 Evaluer l’ambivalence
Comme nous l’avons vu précédemment, l’envie de continuer et d’arrêter se côtoient férocement et plongent la personne dans un stress encore plus important. Ainsi, il convient de quantifier ces deux envies afin de décider de la conduite à suivre. Voici deux questions auxquels Catherine a répondu:
Question N°1
Sur une échelle de 0 à 100, à combien avez vous envie de fumer cette cigarette »
Réponse 100
Question n°2:
Sur une échelle de 0 à 100, à combien avez vous envie de ne pas fumer cette cigarette?
Réponse 65.
Inutile de développer, vous aurez compris qu’un arrêt du tabac n’est pas possible, ni tentable, tant que cette irrésistible envie de fumer est présente. Notre travail, comme précédemment, sera d’en explorer les raisons et de compléter le travail de motivation.
3 Le repérage des situations à risque
Lorsque la motivation à l’arrêt est plus conséquente nous continuons notre travail préparatoire par une analyse des situations à risques. Un travail d’auto-observation commence. Vous fumez?
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- Où, avec qui, comment, qu’est ce qui déclenche l’envie?
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- Quelle sont les pensées qui me passent par l’esprit à ce moment là?
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- Qu’est ce que je ressens avant pendant et après avoir fumé?
- Quelles en sont les conséquences?
Chez Catherine nous avons ces situations ci
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- Contrariétés au travail
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- Au café avec ses amies
- Après un appel de sa mère
Ses sensations et pensées
- Boule dans le ventre qui s’estompe après la première bouffée de cigarette
- Soulagement quand elle l’allume
- « Je ne sais pas m’imposer »
Ses conséquences
- Elle se sent mieux
- Elle se sent encore plus dépendante
- Elle ressent de la culpabilité après avoir fumé
Chaque situation fera l’objet d’une analyse précise des pensées et émotions / sensations ressenties dans ces moments là (voir article sur la TCC pour comprendre l’influence des pensées et émotions sur votre comportement, Qu’est-ce que la TCC? )
5 Qu’est ce qui a marché
Enfin, avant de passer à l’arrêt, il n’est pas inintéressant de regarder en arrière ce qui a pu marcher lors de précédents arrêts.
Après trois arrêts Catherine a une piètre idée d’elle même quant à ces échecs. C’est souvent le cas d’un adulte qui ne réussit pas ce qu’il entreprend. Je dis bien un adulte car il n’en n’est rien chez l’enfant. Ici nous allons considérer l’arrêt comme des tentatives d’apprentissage. Lorsqu’un enfant apprend, il rate, rate et rate encore puis réussit. On apprend ainsi de ses erreurs. L’échec devient une source d’information pour réussir. Après analyse Catherine a pu observer que l’activité physique a eu un effet protecteur sur ses rechutes. Son analyse montre également qu’elle a repris à chaque fois pour la même raison: Le stress.
Ceci confirme l’importance de la gestion du stress chez Catherine
Il n’y a pas d’échecs il n’y a que des succès différés
Le tabac en ACT, les valeurs
Si vous n’avez pas lu ce qu’est l’ACT voici Qu’est ce que l’ACT?
En ACT nous identifions deux types d’actions. Celles qui représentent « la lutte », soit toutes nos actions qui, réalisées pour nous sentir mieux, finissent par nous enfermer. Il y a également ces actions qui avant de chercher à nous faire sentir mieux ont la vertu de nous faire avancer vers nos valeurs.
Ces valeurs représentent le type de personnes que nous souhaiterions être dans des domaines bien précis de notre vie.
Par exemple, Catherine a noté « servir d’exemple à mes enfants ». Ayant cette valeur en point de mire elle a pu ainsi opposer à son envie de fumer pour gérer son stress, sa valeur d’exemplarité « je préfère supporter le stress plutôt que de donner un mauvais exemple ».
Identifier ses valeurs peut être un véritable atout pour refuser cette tentation de fumer.
Est ce que j’avance en direction de mes valeurs lorsque je fume?
Si vous souhaitez identifier vos valeurs voici une fiche. Attention cela peut être difficile. Notez simplement la différence entre un objectif, atteignable, comme « être marié » et une valeur, une direction, comme « être à l’écoute de mes proches ».
Voici la fiche (Merci à Benjamin Schoendorff, voir son site à la fin de cet article)
« Fumer ce n’est plus ma valeur »
Exercice « surfer l’envie »
Comme à chaque fin d’article et parce que les TCC sont d’abord des outils pour mieux vivre sa souffrance plutôt que des théories « pour faire joli » voici un petit exercice:
Alors surfons l’envie.
Imaginez votre envie de fumer monter comme le ferait une vague. Lorsque vous fumez dites vous que vous vous êtes fait emporter par celle-ci. Que diriez vous de surfer celle-ci et vous placer au dessus.
Pour cela placez une cigarette face à vous
- Laissez monter l’envie
- Lorsque celle-ci est maximale sur 10, observez là
- Que resentez vous? Que vous dites vous à ce moment présent?
- Restez au contact de cette sensation certe inconfortable mais souvenez vous « ça va passer »
- Que devient l’envie entre 0 et 10
- Concentrez vous sur votre respiration, sentez la vague, le tumulte
- Que devient cette envie?
- Arrêtez cet exercice lorsque l’envie est descendue en dessous de 5
Plus vous pratiquerez cet exercice, plus vous entrainerez votre corps à faire face à l’envie. Plus l’envie ne sera pas suivie d’effet plus celle ci s’estompera.
A bientôt
Yannick
Deux très bons livres pour avancer:
Faire face à la dépendance C.CUNGI
Faire Face à la souffrance B.SCHOENDORFF