J’aimerais ce mois-ci vous entretenir d’une autre notion, thérapeutique elle aussi: le bonheur. En effet, tout le monde cherche le bonheur, même chat, même mon chien surtout mon chat 😊). Pourtant nous sommes nombreux à nous perdre en route, nombreux à nous épuiser de ne pouvoir y arriver. Il y a quelques explications à cela, en route pour le bonheur ?
Alors qu’est-ce que le bonheur?
Est-ce que le bonheur est avoir tout ce que l’on désire? Non, bien que notre société consumériste tente de nous le faire croire toute la journée, nous avons beau avoir tout pour être heureux ce n’est pas pour autant que nous le sommes.
Le bonheur ne se résume pas non plus à se sentir bien. Si c’était le cas, les toxicomanes seraient les gens les plus heureux de la planète.
Le bonheur ça s’attrape?
Arrêtons nous quelques secondes sur la ou les définition(s) du mot bonheur (promis je ne vous refais pas passer le bac philo, je n’ai pas 4 heures).
Eudemonia en grec veut dire bonheur, mais aussi épanouissement, floraison, accomplissement. C’est alors un mouvement, une action. Le bonheur n’est alors pas un état fixe mais un mouvement allant et venant. Nous y reviendrons plus tard mais, déjà, pointe l’idée que le bonheur ne se garde pas, le bonheur ne s’attend pas.
Le bonheur comporte aussi une autre signification assez proche du plaisir. Selon le sens courant, le bonheur est alors le fait de se sentir bien, un sentiment de plaisir, de satisfaction. Moins intense, plus durable et plus diffus que le plaisir.
Le bonheur serait alors un mouvement passager pendant lequel nous ressentons du bien être, cette sensation qui fait parfois tant rêver. Tout le monde cherche le bonheur et cela depuis la nuit des temps, la philosophie la première. André Comte-Sponville définit celle-ci comme une pratique qui a « la vie pour objet, la raison pour moyen et le bonheur pour but ». Pascal renchérit même un peu lugubrement en disant « tout homme veut être heureux, même celui qui va se pendre ».
Bonheur über alles
Le bonheur concerne donc tout le monde. La façon dont chacun le définit conditionne la façon dont il le cherche et l’atteint… ou pas.
Si le bonheur est pour moi le fait de posséder, je vais me lancer dans une quête sans fin pour accumuler. Serais-je heureux? Non, jamais rassasié.
Si le bonheur signifie pour moi être bien, ne pas souffrir, je vais alors chercher tous les moyens pour supprimer cette souffrance, ces désagréments, ces sensations désagréables telles l’angoisse ou autres émotions négatives (y’a t-il des émotions négatives?). Serais-je heureux? Non, sans cesse et, tel Sisyphe, je serais frustré et désespéré de ne pas tenir et retenir en mes mains ce bonheur tant convoité.
Beaucoup de penseurs ont réfléchi aux moyens de l’atteindre. Une de leurs idées: identifier ses désirs, ses plaisirs. Ceci tel qu’ Epicure nous le conseille (voir l’article sur le plaisir) différencier les plaisirs naturels et nécessaires des plaisirs non naturels et non nécessaires. Chercher la possession, chercher à fuir les sensations désagréables sont vains tant ils sont de courtes durées.
Il n’est alors pas étonnant de constater que la souffrance humaine n’a jamais été si forte. Une erreur dans la définition du bonheur…
Le piège du bonheur
La recherche du bonheur peut alors devenir un piège duquel il est difficile de se défaire sans s’arrêter un instant pour y réfléchir, le redéfinir.
Une autre définition existe alors. Et si le bonheur était une vie pleine de sens plutôt qu’une vie pour être bien, une vie pleine de biens?
Lorsque nous réalisons des actions qui ont du sens, des actions pour procéder aux changements qui nous tiennent vraiment à cœur, quand nous réfléchissons à ce qui nous importe vraiment dans la vie, notre vie devient pleine de sens. Cela nous procure un grand sentiment de vitalité: de sagesse. Ce sentiment n’est alors pas évanescent, il est durable et profond.
Le bonheur : le développement durable de la sagesse
Comme nous avons pu l’aborder dans de précédents billets, il est possible qu’avancer vers ce qui est important nécessite de supporter des moments désagréables qui, habituellement, nous auraient fait fuir. J’ai souvent été impressionné par la capacité à endurer les difficultés de mes patients. Paul qui évite les endroits où il pourrait faire des attaques de panique et qui pourtant n’hésite pas à se lancer dans les travaux de sa maison par amour pour sa femme. Dans le second cas peu importe la difficulté, ses actions ont un sens profond: entretenir l’amour.
Au bonheur de l’action
Le bonheur ne s’obtient pas directement mais bel et bien en effectuant des actions en sa direction. Une direction dont on peut s’éloigner et se rapprocher plutôt qu’un bien à posséder.
C’est cette philosophie que nous essayons de développer en thérapie d’acceptation et d’engagement : Accepter ses sensations désagréables voire certaines souffrances pour peu que cela nous approche de ce qui est important pour nous. Agir, avancer plutôt que de lutter contre des émotions, des sensations faisant partie de la vie. Vivre différemment sa souffrance pour s’engager à construire sa vie. Si vous ne savez pas ce que sont les thérapies d’acceptation et d’engagement consultez cet article Qu’est ce que l’ACT?
En somme trouver le bonheur ce n’est pas agir (uniquement) parce cela fait du bien mais surtout parce que cela a du sens.
L’eudémonisme social
Pour terminer ce petit exposé, j’aimerais développer un dernier aspect du bonheur: son bonheur dans le bonheur de l’autre.
L’eudémonisme social est une notion développée par des philosophes anglo-saxons tels Jeremy Bentham, Stuart Mill ou encore William Godwin et très bien présenté par Michel Onfray dans le cinquième tome de sa contre histoire de la philosophie. L’eudémonisme social est une philosophie du bonheur du plus grand nombre.
J’ai souvent été frappé, en explorant leurs valeurs avec mes patients, par autant de dimensions tournées vers l’autre: solidarité, compassion, soutien, communication ou encore tolérance. Autant d’actions prêtes à être engagées vers l’établissement du bonheur de l’autre.
Bon nombre d’études ont montré une meilleure sérénité, une meilleure santé mentale chez les gens altruistes. Une étude a même corrélé l’égoïsme avec des troubles mentaux tel l’anxiété et la dépression (référence en cours d’acquisition).
Agir pour l’autre c’est agir pour soi
Et si l’altruisme pouvait apporter une part de solution à la souffrance humaine; Et si les valeurs de consumérisme, d’égoïsme et de culture du Soi était responsables de cette souffrance planétaire? Loin de moi l’idée de politiser le discours et ce blog. Je sais que ce sont de belles paroles, mais au vu de l’évolution de la souffrance humaine on est en droit d’y réfléchir.
Ce blog est ainsi une brique apportée à cet eudémonisme social, un article pour le bonheur du plus grand nombre. Si vous l’avez apprécié transmettez le via facebook, google+ ou autre 🙂 !
Pour terminer cet article je citerai une phrase trouvée dans le livre de Michel Onfray
« Fais à autrui ce que tu voudrais que l’on te fasse »
A bientôt,
Yannick 🤟