Psycho-Savoirs

L’hypocondrie en TCC

Tous hypocondriaques? A force de lire, d’entendre, de voir tant d’informations au sujets des maladies, de surcroit en cette période de Pandémie, nous en devenons presque perfectionnistes de la santé. Pourtant la préoccupation excessive de santé peut elle même conduire à un trouble: L’hypocondrie.

Comment s’en sortir?

Sylvie est enceinte de 7 mois et se lève un matin avec le bras gauche engourdi au point de ne plus arriver à le lever. Prise de panique elle « fonce » aux urgences où l’on suspecte une possible embolie cérébrale (un petit caillot dans une artère qui empêche le cerveau de fonctionner, ici de commander les muscles). Hospitalisée en service de neurologie, Sylvie ressort de l’hôpital sans problème, son engourdissement était dû à une mauvaise position en dormant.
 
Sauf que durant cette hospitalisation Sylvie a croisé des personnes gravement atteintes de paralysie et ressort choquée. Elle a peur. Peur qu’il lui arrive vraiment cette paralysie, peur de mourir et son bébé aussi. Depuis, à la moindre perception d’un symptôme bizarre, elle passe un temps fou sur internet à chercher des informations médicales pour se rassurer.
 
Depuis, elle ne dort plus et file chez son médecin dès que la peur peur d’être atteinte d’une maladie la prends.

Pas seulement les femmes

 
Pierre a toujours été soucieux de santé, il tient cela de sa mère dit-il. Dès qu’une douleur le prend au niveau de la poitrine, Pierre se dit  » ça y est je fais une crise cardiaque », son cœur bat plus vite, Pierre panique et court chez son médecin, qui lui assure, examens à l’appui, qu’il n’a rien, « c’est dans votre tête » lui assène t-il. Dans sa tête? Pierre n’est pas convaincu et court de médecin en médecin pour se rassurer, persuadé qu’il est atteint d’une maladie grave. C’est d’ailleurs le cas dès que Pierre perçoit n’importe quel signe corporel suspect.
 
Sylvie et Pierre soufrent tous deux d’un phénomène que l’on appelle l’anxiété envers la santé. Autrefois appelée Hypocondrie, cette souffrance est beaucoup plus courante que l’on ne croit et bien plus soignable que l’on ne pense.
 
 

 En passant visionnez cette petite BD….Hypocondriaque au café

 
 

« C’est dans la tête »?

 
L’anxiété envers la santé est donc une préoccupation excessive, une peur panique d’être atteint d’une maladie. Cette peur donne ainsi lieu à une multitude de comportements de réassurances comme prendre sa tension, consulter le médecin, surfer sur les sites d’information médicale, bien trop régulièrement et avec anxiété ou du moins ceci aux dépends des activités qui comptent réellement.
 
Un cercle vicieux se créer donc associant quatre dimensions.
 
 
Une sensation Je ressens une tension inhabituelle 
Une pensée Oulala c’est peut être un cancer !
Un comportement Je cours chez le médecin qui me rassure 
Le piège se referme, Je suis plus attentif à mon corps et cours chez le médecin à chaque fois que cela se produit.
 
Bien évidemment, il est naturel d’être soucieux de sa santé. C’est même quelque chose de protecteur. Le problème est qu’ici cette inquiétude prends toute la place. Ce comportement est de plus en plus fréquent ceci est notamment entretenu par la pression sociale à la santé.
 
En effet, notre société refuse de plus en plus la maladie, la douleur, la souffrance. C’est certes louable, mais cela induit des excès car toutes les maladies, toutes les douleurs et toutes les souffrances ne sont pas anormales. Elle sont d’ailleurs nécessaires. Oui, être malade d’un rhume étant enfant permet au système immunitaire de se renforcer, la fièvre est par ailleurs un (bon) signe que le corps de défend (!). Avoir mal au dos peut être utile pour me permettre de moins forcer la prochaine fois que je rentrerai du bois. Enfin, souffrir lorsque l’on perd un être cher est naturel et nécessaire.
 

Refuser cela c’est un peu comme refuser la vie.

 
Mais un peu plus loin les nouvelles technologies nous poussent à scruter notre santé, à guetter le moindre symptôme suspect. Les montres connectées, les smartphones qui nous indiquent si notre sommeil, notre rythme cardiaque, notre tension voire notre moral (!) sont bons. Augmenter son attention sur la santé induit forcément un désir de supprimer ce qui ne nous convient pas et c’est bien ici que l’anxiété envers la santé devient problématique.Ceci prend du temps, du temps sur ce qui est important mais surtout cela aggrave le problème!
 
En effet, lutter contre induit le fait que ces sensations, pensées et émotions indésirables augmentent.

Petit exercice:

  • Fermez les yeux et essayez de ne pas penser à un ours blanc pendant une minute. Que se passe-t-il?
  • Fermez les yeux à nouveaux et essayez de penser à un ours blanc pendant une minute. Et cette fois-ci?
 
Effectivement, bon nombre d’expériences en psychologie ont pu montrer que chercher  à supprimer ses ressentis intérieurs conduit inévitablement à leur augmentation.

Alors c’est grave docteur?

 
Oui et Non. En résumé, c’est un peu comme si vous cherchiez à faire cesser la sirène qui indique qu’un feu se propage. Je cherche à éteindre la sirène, le feu se propage, la sirène retentit plus fort…etc.
 
Le problème se situe alors aux extrêmes, ne pas se préoccuper de sa santé comme mon oncle qui n’est jamais malade, car il ne va jamais voir son médecin, ou ma tante qui connaît doctissimo par cœur et vit dans l’angoisse perpétuelle. Le souci est bel et bien lorsque cela dessert nos valeurs et donc qu’au final cela aggrave notre santé. Oui car s’inquiéter trop engage une réaction du corps qui au final produit des symptômes de douleurs, de fatigues…etc; L’arroseur, arrosé. Comme pour le stress.. voir cela l’article sur le sujet  C’est quoi le stress?
 
 

Comment ça fonctionne l’anxiété envers la santé?

 
Comme nous l’avons vu, il se produit un cercle vicieux qui, si vous êtes un(e) habitué(e) de ce blog, ne vous étonnera pas.
 

Une hypersensibilité corporelle

 
Le souci à cet étage est que nous n’avons pas tous la même perception de notre corps et de ses manifestations, notamment à travers notre éducation. Une personne plus sensible détectera peut être plus de symptômes que d’autres ou peut par exemple plus « somatiser » que les autres, soulignant ici l’influence des émotions sur notre corps.
 
Mais percevoir plus ou moins de signes que les autres ne donne pas forcément une anxiété envers la santé anormale.

 

Un mode de penser biaisé

 
Ici nous touchons à la question de l’interprétation des symptômes dont voici quelques exemples: « ça y est j’ai un cancer » « je suis essoufflé cela veut dire que je ne vais pas bien »  « j’ai un grain de beauté! ça va devenir cancéreux ».
Vous observerez que ces pensées sont quelques peu fausses ou exagérées. C’est ce que l’on appelle des distorsions cognitives, la réalité est alors perçue d’une façon erronée ou toujours selon le même mode, rigide. Voir cet article par ailleurs au sujet de l’influence de nos pensées Comment gérer ses pensées difficiles
 

Des comportements de réassurance

 
Forcément tant de sensations, interprétées d’une façon menaçante conduisent naturellement à chercher une solution, se rassurer en fait partie. Le problème lorsque l’on sollicite trop souvent les même personnes pour se rassurer alors que les examens ne révèlent rien, c’est que l’entourage se fatigue augmentant alors la souffrance et le stress (donc les manifestations corporelles). De plus, on se mets à entendre la fameuse phrase « c’est dans la tête » qui n’aide pas non plus. Mais à force d’être rassuré par le médecin, une autre croyance prend le dessus, « si je ne consulte pas je vais avoir cette maladie » et quelque peu résumée par cette histoire:
 

Un homme répartit d’une manière régulière des feuilles blanches sur la pelouse d’un parc. Que faites-vous avec ces feuilles? Lui demande un passant. J’éloigne les tigres. Mais il n’y a pas de tigre réponds, interloqué, le badaud. Eh bien vous voyez que cela marche!

 
Le comportement crée et légitime alors la fausse croyance.

Que pourrait-il se passer un jour si nous perdions notre Iphone avec l’application de surveillance de notre santé. Serions nous détendu?

 

Un renforcement social

 

Enfin et comme toujours dans ce blog le corps et l’esprit ne sont jamais isolés du facteur social, environnemental. La société et le corps médical poussant un peu plus vers la prévention, les messages perpétuels sur la santé (journée du Sida, du Cancer, du Diabète, d’Alzheimer, de la Mucoviscidose, de la Myopathie, des maladies respiratoires…etc). A l’heure où l’information vire à la surenchère, la prévention tue (un peu) la prévention.

Imaginez vous un matin avec telle ou telle douleur et entendre 10 fois à la radio « journée nationale du cancer »….. resterez vous tranquille?

 
 

Comment être suffisamment anxieux mais pas trop?

 
Le problème est alors d’avoir la conduite adaptée soit juste ce qu’il faut de comportements de santé sans que cela prenne le pas sur le reste, sans que cela ne soit rigide. Soit si répondre à la question…..
 
Si je ne surveille pas ma santé que se passe-t-il ou si j’y pense que se passe-t-il?
 
Si l’une ou l’autre question vous angoisse un peu plus peut être que l’anxiété envers la santé prend un peu (trop) de place dans votre vie.
 
Ainsi la santé doit être une valeur parmi les autres mais pas la seule, pour cela peut être pourriez vous consulter cet article pour vous éclairer quand au fait équilibrer ses actions envers ses valeurs…Avancer vers ce qui compte pour soi
 
Être trop anxieux, c’est avant tout faire preuve de rigidité. J’ai moi même été atteint de toutes les maladies psychiques et physiques apprises au cours de mes études ceci du trouble bipolaire en passant par la cancer de la gorge! Anxieux envers la santé oui mais pas que.

 

Moins je le veux plus j’ai l’impression de l’avoir

 
Ainsi, observez vos pensées et observez de quelle façon elle peuvent être justifiées ou non. Ce qui compte ce ne sont pas ces symptômes mais ce que j’en fait. Une bonne façon est alors de considérer les arguments objectifs, un peu comme le fait Didier:
 
Didier ressent une douleur dans le bras gauche et dans la poitrine. sa tête s’inquiète immédiatement « tu fais une attaque, comme ton père ». Effectivement Didier est sensible a ces symptômes depuis que son père a faillit mourir d’un infarctus. Puis Didier s’est souvenu de ce que lui avait dit son ostéopathe. « Vous avez de l’arthrose cervicale et dorsale, il se peut que parfois vous ayez des douleurs dans le bras gauche ». Didier a rangé son garage hier, et cela lui parait être l’hypothèse la plus probable, plus que l’infarctus puisque les examens n’avaient rien donné la dernière fois.
 
 
Ainsi être ou ne pas être anxieux envers sa santé est avant tout une affaire de contexte, les symptômes étant avant tout des messages, non des problèmes à faire disparaître mais bel et bien des invitations à agir. C’est un peu ce que la peur nous dicte et ce qui est abordé dans cet article…L’anxiété, la peur, comprendre-gérer-accepter
 

 

Un petit exercice pour la route?

 
Plutôt un petit test….
 
Que vous dites vous lorsque vous percevez un symptôme désagréable dans votre corps?
 
Votre réaction est-elle adaptée?
 
 

Enfin et vous l’aurez compris puisque j’effectue une recherche sur le sujet, l’anxiété envers la santé peut présenter une souffrance telle qu’il soit impossible de s’en sortir seul, ce que représente l’hypocondrie. Une fois de plus les TCC restent la meilleure prise en charge de cette problématique et il ne faut pas hésiter à consulter car des solutions existent.. pas que dans la tête 🙂

A votre santé,

Yannick

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.