Psycho-Philo

Petite psychologie de l’apéro, une affaire de santé !

C’est l’été et, bien que ce doux moment ne soit pas réservé à cette unique saison. Il est quand même plus agréable de s’y adonner, de s’y prélasser, que dis-je de le célébrer. Quoi ça ?

L’apéritif, l’apéro quoi. 

Pourquoi, parler d’apéro sur un blog dédié à la psychologie ? Eh bien chers amis parce qu’il en va de notre santé mentale pour ne pas dire de notre santé tout court. Alors attention ce n’est pas un article sur l’apologie de la beuverie et autre goinfrerie. Non c’est bel est bien une ode à cette occasion hautement thérapeutique : Ce moment où corps et esprit ne font qu’un dans une danse où plaisir et décontraction s’entremêlent.

Oui, explorons les vertus psychologiques de l’apéro !

Mais alors, qu’est-ce que l’apéro métonymie du terme apéritif ? Plus que de s’enfiler des petits fours dans le gosier et de chiller, l’apéritif est, à l’origine, une médecine ! En effet, apéritif est un terme de médecine ancien (XII° s.) dérivé du verbe aperire qui a donné ouvrir.  Le mot qualifie d’abord les médicaments qui non seulement «ouvrent» les voies d’élimination, mais aussi  correspondant à «qui stimule, ouvre l’appétit» (Grand dictionnaire de la langue française, Alain Rey).

Et voici nos deux vertus apéritives : La première  est bien d’éliminer les toxines, ce qui pèse lourd ce que l’on a du mal à digérer. Un petit digestif psychologique ? La seconde parce que cela ouvre l’appétit pour la vie, nous faisant passer des ténèbres de l’ennui et de la vie de forçat du travail à la lumière de l’ouverture des corps et des esprits. Un moment d’ouverture à l’autre.

L’apéro, un contrat social, un modèle open source

Oui il y a bien dans ce haut moment d’interaction sociale, un unique moment d’ouverture où nous sommes libérés de notre condition sociale, économique et culturelle.

Tous les êtres humains naissent libres et égaux face à l’apéro.

 

Sans ouverture il n’y a pas de vie, l’apéro est ce moment où l’esprit s’ouvre à la lumière. Il rend tous les chemins possibles un instant, quitte à ce qu’ils se referment une fois les douze coups de minuit passés.

Oui l’apéro est d’abord un moment social, un moment d’union et de partage, là est d’abord le premier effet psychologique positif. Sans lien social, l’être humain est comme un fantôme errant dans les limbes de son oubli. On se garde bien de boire l’apéro seul sous peine justement de sombrer avec soi. On refait le monde, on se parle, on se regarde, c’est tout. Et c’est déjà ça. Pour preuve, lors des confinements successifs, la chose qui nous a permis de garder ce lien social, cette condition de notre santé mentale, cette liberté arrachée à la pandémie, ce sont bien les apéros FaceTime. De là à dire que le pays ne s’est pas embrasé grâce à ça, il n’y a qu’un pas (grand le pas quand même).

L’apéro c’est maintenant ? L’instant présent

C’est un euphémisme que de dire que nous courons toute la semaine, nous courrons après un temps qui nous fuit, un temps perdu qui passe et que l’on passe à tenter de rattraper. Et à l’apéro ? 

 Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

Assurément Alphonse De Lamartine parlait de l’apéro. En effet, en ce mirifique moment, le temps ne nous est plus compté, les heures s’étirent à en figer les souvenirs chaleureux qui trôneront dans l’album photo de notre mémoire. Des apéritifs mémorables. A l’heure de l’apéro, quand bien même ce serait la dernière, la mort aussi patiente puisque, en ce moment,  il n’y a que des bons vivants. Plus de demain, point d’hier, que du maintenant, comme une tacite règle grammaticale  l’apéro ne se conjugue qu’au présent. C’est de la méditation de pleine conscience !! Je précise qu’il existe des Buddha bars !

Apéro décontracté

Dans ces moments le corps cesse sa lévitation supra temporelle, il touche enfin terre.

 – On n’est pas bien là ?
– Si.
– Paisible ? À la fraîche ? Décontracté

L’apéro est ce moment où les épaules s’abaissent, le regard se lève du guidon et où l’on pousse un  « ahhhhhh »  de relaxante jouissance. L’apéro c’est un orgasme de décompression, une orgie de délassement. L’apéro est un abandon. 

Oui, pour terminer sur cette petite psychologie, c’est bien un abandon et ce de deux façons : l’abandon d’une apologie de la souffrance et de la rétention, une pure soumission au principe de plaisir. L’apéro c’est du dopage à la dopamine (hormone du plaisir). Il n’y a pas là l’apologie d’une dionysiaque démesure, non, un pur plaisir, une absolue recherche d’amuse bouche. Ne nous trompons pas. En effet, lorsqu’il y a excès il n’y a plus de plaisir mais bien un simple remplissage que seul le dégoût viendra stopper. Non, il y a ici un culte du plaisir à en voir le temps que l’on met à le préparer et l’inventivité dont on fait preuve à trouver de nouveaux cocktails. Inutile de dire qu’en psychologie,  le plaisir est un élément important tant ceux qui franchissent les portes de mon cabinet en ont perdu le goût, l’odeur et le souvenir. Apéro-thérapie ?

Enfin, il y a, dans l’apéro, un caractère régressif. Boire, manger ce qu’on nous a interdit depuis petit…. et petit, le sport Roi c’est bien de franchir les règles, avant de se soumettre pour le reste d’une vie d’adulte à se servir des injonctions sur un plateau. C’est ainsi le second point, la transgression.

Faire fi des règles

Au relâchement des corps, l’esprit répond en écho : Apéro !  L’évaporation des il faut que laisse la place aux  je choisis (voir cet article) . On passe d’un statut d’objet à un statut de sujet libre de ses actes. La censure Freudienne prend alors ses clics et des claques pour, l’espace d’un verre, d’une bouchée et d’un rire, laisser la liberté s’exprimer. Liberté, liberté cherry. L’apéro est ainsi un moment important en psychologie, celui où l’on s’extrait du poids des conventions sociales, un moment d’excès. Un moment d’espoir où l’on refait le monde.  Ce qu’écrit très bien le médecin Patrick Peloux « J’adore l’ivresse, c’est une parenthèse d’espérance ». J’en ai écrit un chapitre entier dans mon livre : le bonheur de la transgression est ainsi une nécessaire bouffée d’oxygène pour ne pas finir dans une abominable stérilité digne du meilleur des mondes : 5 fruits et légumes, zéro tabac, 30 minutes d’activité physique. Pour preuve, dans les livres 1984, le meilleur des mondes, Ravage ou Globalia (que des romans où le bonheur se mue en tyrannie)  vous ne verrez aucun moment où les personnages ne prennent un apéro en terrasse.

Une nouvelle fois, point d’apologie de la débauche, non, il y a simplement à faire cette expérience de relâchement de l’esprit, où le contrôle s’estompe pour laisser émerger la vie. Tel un geyser, cet éphémère  échappement évite l’explosion. Depuis des millénaires, l’être humain a organisé des moments cathartiques où l’on relâche la censure morale et élimine la pression, l’apéro est de ces moments et la psychologie en a besoin. Un digestif de l’âme, une ablution des esprits embrumés. L’apéro et son corollaire, le rire, sont deux armes de résistance face à la fatalité de la vie. Un moment tellement humain , un moment Nietzschéen à surmonter son fatal destin.

Ainsi se termine cette imparfaite psychologie de l’apéro car pour être juste, impartial et intègre, il m’en faudrait rédiger une thèse. Joie sociale, détente, instant présent, plaisir et transgression sont bien des ingrédients psychologiques d’une santé de fer. Mais arrêtons-nous là car si l’être humain, dans tous les coins du monde et en toutes les langues a fait que ce moment existe c’est que cela lui est nécessaire, un noble et vital besoin. Point.  C’est ainsi un rite quasiment sacré, aussi vieux que le monde lui-même. Et si cela existe c’est que cela est bon pour le corps et pour l’esprit. Point final.

Allez Santé !

Yannick 

 

PS : pour aller plus loin lisez cet article sur le bonheur de la transgression