Psycho-Philo

La sérenité psychologique : Une affaire d’équilibre

Après le temps, l’équilibre.
Plutôt que de parler des troubles psychiques, vous aurez remarqué que j’aborde beaucoup de sujets généraux qui se révèlent alors bien plus centraux que l’on pense (le bonheur, le plaisir, nos pensées…etc). Le mois dernier c’était la gestion du temps ce mois ci c’est la notion d’équilibre.

 

L’homéostasie de Claude Bernard

L’équilibre, dans notre vie, c’est un peu comme l’homéostasie de Claude Bernard de nos cours de SVT. C’est la capacité à maintenir en équilibre un certain nombre de facteurs. Et, pour faire le lien avec l’article précédent sur le temps, la capacité à maintenir tout un tas de priorités en un espace-temps donné.

L’équilibre est valable pour le corps tel la régulation de la température mais l’est aussi pour tout élément vivant au sein d’un système que ce soit l’être humain, une famille, une entreprise.
Ainsi, je vous propose ce mois-ci d’explorer de quelles manières la notion d’équilibre est essentielle en psychologie. Par ailleurs, vous observerez que j’ai fait beaucoup de liens avec d’autres articles ce qui est la preuve du caractère central de l’équilibre au sein de la souffrance psychique. Effectivement, ne qualifions-nous pas, autrefois, une personne souffrant de maladie mentale de… déséquilibrée?


De ce point de vue, et si nos problèmes d’ordres psychologiques n’étaient en fait qu’une question d’équilibre/déséquilibre?

 

 

Sommes-nous des déséquilibrés (mentaux)? 


Lorsque l’on écoute des personnes en situation de difficulté psychologique il y a toujours la présence d’un déséquilibre ou plutôt de déséquilibres divers selon la souffrance en question. Explication :

Équilibre activité/inactivité

 
Un des premiers points de déséquilibre est celui de l’activité et de l’inactivité. Ceci a été abordé dans l’article précédent sur le temps. Effectivement, si l’on veut être actifs il faut savoir être inactifs. Cette balance est bien souvent responsable de troubles tels le Burnout, la dépression et bien évidemment de toute une série de troubles physiques représentés au sein du syndrôme de Stress (fatigue, insomnie…etc voir cet article Le stress)

Ainsi, ces désordres ne sont pas des maladies psychiques mais bel et bien l’expression de déséquilibres, ici entre les dépenses et les recettes. Je ne suis pas « dépressif »; je présente un déséquilibre entre l’activité et l’inactivité.

 

Équilibre corps-esprit

 
Un autre domaine ou l’équilibre est également important c’est celui du corps/esprit. Lorsque l’esprit est privilégié ceci entraine des troubles de type anxiété. En effet, à force d’appréhender les choses à travers l’esprit ou la réflexion, nous ne sommes plus connectés à notre corps. De cette manière les manifestations corporelles ne sont plus perçues correctement. Par exemple, dans le cas de l’impulsivité et de la colère. Ruminer une situation difficile peut faire monter en nous une émotion et des sensations de colère. Ne percevant pas à temps ces sensations, ce sont elles qui finissent par nous faire agir d’une manière inappropriée. En percevant un peu plus nos sensations corporelles, il nous est alors possible de gérer et de prendre en considération la colère plus tôt et ce bien avant que cela n’explose.

Dans le cas d’un déséquilibre porté du côté du corps un autre phénomène peut se passer. En prenant trop en considération nos sensations corporelles, comme dans l’anxiété envers la maladie (anciennement l’hypocondrie, article ici), ces symptômes nous paraissent énormes et sont déformés car non mis en relation avec notre esprit.  Ils sont mal interprétés.Un bon équilibre perceptif corps/esprit nous permet alors de mieux appréhender les choses ainsi que les relations entre ce que nous nous disons et ce nous ressentons. 


Équilibre instant présent/passé/futur

Dans le même esprit, il y a le déséquilibre entre l’instant présent et les situations où nous portons notre attention sur ce qui s’est passé et sur ce qui peut se passer. Ce déséquilibre est aussi impliqué dans la dépression, l’anxiété et le stress. En effet, en portant notre attention sur des éléments sur lesquels nous n’avons pas de contrôle et surtout sur des éléments qui ne seront pas ou ont été nous perdons en efficacité : C’est la rumination. Rétablir cet équilibre nous permet de nous sentir plus en phase avec ce que nous faisons et surtout, nous sommes réellement efficace!

Équilibre soi / les autres

 
Celui-ci est directement impliqué dans les relations sociales (voir l’article sur l’affirmation de soi ici Savoir s’affirmer). Étant trop portés sur les autres nous nous oublions (passivité), nous disons oui alors que nous devrions dire non et somme alors frustrés. A l’inverse, en étant trop portés sur  soi (ce que l’on appelle un comportement « agressif«  en affirmation de soi), seul notre avis compte et ce au détriment de bonnes relations sociales. Ce déséquilibre conduit alors à une mésestime de soi et parfois à de l’anxiété, voir de la phobie sociale.

Équilibre des valeurs 


En ACT (si vous savez pas ce qu’est l’ACT lisez ceci ACT) nous nous entrainons à conduire nos actions vers ce qui compte vraiment (nos valeurs, voir cet article Les valeurs) plutôt que de lutter incessamment contre nos ressentis désagréables (angoisse, peur…etc).

Quatre domaines de valeurs contiennent tout ce qui compte pour nous : Le travail, les relations, les loisirs, le soi. Un déséquilibre entre ces quatre valeurs est bien souvent en cause chez les personnes qui viennent me consulter. Soit trop investies, comme le travail (burnout) ou les relations, soit pas assez ( le soi, les loisirs). Un déséquilibre au sein de nos valeurs nous conduit à un moment donné à ne plus avoir les ressources nécessaires à un bon fonctionnement. Le reste est dans l’article cité.

 

Équilibre négatif / positif 

Enfin, et pour terminer, il y a l’équilibre positif/négatif  traité ici en psychologie positive Psychologie positive. Trop de l’un ou de l’autre entraine certains troubles dont le plus évident est celui d’un trop de négatif dans le cadre de la dépression ou de l’anxiété.

La liste pourrait être même plus longueéquilibre énergétique yin-yang en médecine chinoise…etc.

 

Alors réponse?

 

 

Ben oui, à un moment ou un autre nous sommes, avons été et serons des déséquilibrés….

Ainsi, l’équilibre semblerait être ici un élément central (mais non unique) dans nos problèmes de tous les jours mais aussi lorsque l’on souffre plus intensément.

Mais, considérer l’équilibre de cette manière c’est quelque part contempler un état statique, fixe. C’est alors se détourner du vrai problème et de la vrai solution. En effet, plus que l’équilibre qui n’est en fait qu’une conséquence il y a l’équilibration. Le travail d’équilibration. Cette notion ouvre alors sur la façon dont nous œuvrons ou non à l’obtention de l’équilibre. 

L’équilibre ne va ainsi pas de soi, c’est même pour ainsi dire une exception. Comme notre corps sait si bien le faire avec notre taux de sucre soit 1g/l précisément, l’équilibre doit être quelque chose que nous devons viser, travailler, pour une meilleur santé. Mais pour cela il doit y avoir un préalable : prendre conscience du déséquilibre.

La solution? La (pleine) prise de conscience des déséquilibres.

Ceci est une de mes convictions les plus profondes. Nous avons tout pour réussir, pour aller mieux, pour nous en sortir, seul nous manque la perception du problème, du déséquilibre. 

Je prend souvent mon travail de psychologue/psychothérapeute comme quelqu’un qui va aider la personne à percevoir les déséquilibres, à prendre de la distance et observer son problème d’un autre point de vue. Une fois ce point de vue obtenu, et le problème conscient, j’ai souvent pu observer que les personnes acquéraient d’elles même les outils pour y faire face ou bien qu’elles utilisaient à bon escient ce qu’elles savaient déjà faire mais n‘avaient pas appliqué.

C’est à mon sens la différence entre un bon thérapeute et un autre (loin de moi l’idée de me considérer comme un bon mais plutôt quelqu’un qui cherche à tendre vers le « bon »). Beaucoup de personnes se forment à diverses techniques thérapeutiques et bien souvent sans aucune autre formation (c’est d’ailleurs comme cela que j’ai commencé). Connaitre ses outils c’est bien, savoir s’en servir c’est encore mieux mais savoir pourquoi et quand les utiliser c’est une autre histoire autrement plus capitale
La médecine chinoise est particulièrement attachée à cette notion (la philosophie aussi à travers le Yin-Yang). Un jour, un ami acupuncteur me disait que l’acupuncture c’était facile car mettre des aiguilles sur des  points est aisé mais tout le problème (et c’est ce qui prenait parfois des années) c’est de savoir quel est le problème, quel est le déséquilibre et, en conséquence, quel point utiliser. 

Savoir utiliser une clé à molette ce n’est pas savoir réparer une voiture.


Ainsi, et sur ce thème c’est la raison pourquoi beaucoup de personnes lisent des livres de relaxation, de méditation, de sophrologie ou d’autres de développement personnel sans arriver à appliquer leurs lectures. C’est la raison aussi pourquoi certains pratiquent du yoga pour aller mieux même s‘ils n’ont pas conscience du problème, du déséquilibre ou comment rééquilibrer.

C’est peut-être une des explications du succès d’une psychothérapie, la prise de conscience.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément… et les outils également.
L’Art poétique (1674)

Nicolas Boileau-Despréaux

Ainsi, vous l’aurez compris l’équilibre est une notion complexe alliant prise de conscience et équilibration. Elle se complexifie encore car certains déséquilibres peuvent nous être profitablesexplications…

 

De l’équilibre à l’harmonie


En lisant les paragraphes précédents nous serions tentés de penser que toute chose doit être égale à l’autre pour être bien. Or, cela n’est pas si simple car l’équilibre n’est pas forcément « mathématique ». Dans notre vie, dans notre culture, tout ne se vaut pas, tout n’a pas le même poids. Nous pourrions alors substituer cette notion d‘équilibre à celle d’harmonie. Dans ma culture ou encore selon mon âge le travail peut prendre plus de place que mes loisirs, mon esprit plutôt que mon corps sans pourtant être en déséquilibre. Il y a selon mes valeurs une harmonie en fonction de ce qui compte pour moi à cet instant. C‘est en quelque sorte un équilibre dynamique, mouvant.

En musique, l’harmonie est l’émission simultanée de plusieurs sons différents. Les sons ne sont pas tous sur la même fréquence mais le tout est harmonieux. Il pourrait alors en être de même dans notre vie. Trouver le rapport le plus harmonieux dans divers secteurs de notre vie (ou au sein des diverses dimensions évoquées plus haut). Ceci un peu comme une recette de cuisine où chaque ingrédient à des doses parfois minimes participent à l’élaboration du goût final, total, harmonieux.

 
Notre travail serait alors de prendre conscience que tout ne se vaut pas selon le moment de notre vie ou même de l’année. Apprendre ceci peut alors nous amener à accepter des déséquilibres qui nous paraissent anormaux alors que l’harmonie y est.

 

Accepter, remercier le déséquilibre


Comment ça remercier le déséquilibre…? Effectivement c’est une question plus étonnante à la vue de ce que j’ai pu vous écrire plus haut.

Oui, car en écrivant cela nous aurions vite fait de considérer le déséquilibre comme anormal et à chasser de notre vie. En faisant cela nous nous tromperions de problème, explication :

Imaginez une vie d’équilibre, d’harmonie de votre naissance jusqu’à la fin? A quoi ressemblerait votre vie? Où en seriez vous? Eh bien vous ne marcheriez pas, ne parleriez pas et seriez encore à un développement psychomoteur d’un nouveau né.

En effet, il faut remercier le déséquilibre car c’est par lui et grâce à lui que nous progressons et nous nous améliorons. Souvenez vous que sur ce blog (ici) j’ai pu vous expliquer que si nous allions mal c’était peut-être que nous allions aller mieux. C’est exactement la même chose ici. Il ne faut pas bannir le déséquilibre car d’une part il existe et fait partie de la vie, mais aussi et surtout parce que c’est grâce à lui que nous utilisons nos connaissances pour y faire face et que nous progressons. 

 

Exemple, le « Tout ce qui ne nous tuent pas nous rend plus fort«  de Nietzsche.




Nous aurions alors tendance à toujours viser cet équilibre et bannir le déséquilibre. Or comme nous le suggère Edgar Morin, il faut considérer ces deux notions ensemble dans une relation complexe.

Ainsi, le couple équilibre/déséquilibre nous invite à abandonner l’équilibre comme un état fixe à atteindre d’une manière permanente et passive. Le vrai problème est bien le travail d’équilibration.
 

Parce qu’il développe chez nous l‘adaptation, loué soit le travail d’équilibration !


Ce travail d’équilibration c’est ici le travail de la vie, et c’est par ce travail que nous apprenons que nous sommes passés de la roue à la fusée pour nous adapter au contexte de vie.

Si l’on prend cet axe là c’est ce que Darwin a pu démontrer dans sa théorie naturaliste. La vie se perpétue grâce au déséquilibre qui stimule alors chez nous un travail d’adaptation.

Le problème survient alors lorsque nous ne travaillons plus à l’équilibration / harmonisation pour X raisons. Et non plus le déséquilibre !
La psychothérapie sert alors à la fois à prendre conscience de cette perte d’équilibre, mais aussi à la prise de conscience des ressources déjà présentes pour rétablir l’équilibre ou bien ce qu’il est nécessaire d’apprendre pour obtenir un équilibre, une harmonie.

Ainsi, écrire cela c’est un peu vous expliquer que toute la première partie de cet article est caduque!!! Effectivement, peu importe le déséquilibre c’est la perte de notre capacité d’équilibration qui poserait ici problème (ou du moins la perte de la perception du déséquilibre).


En somme plutôt que de chercher l’équilibre ou encore l’harmonie la première étape est bien de prendre conscience du déséquilibre puis de développer/retrouver notre adaptativité…. soit notre capacité  à maintenir en équilibre un certains nombre de facteurs. La boucle est ainsi bouclée avec Claude Bernard et son concept d’homéostasie.

 

 

Enfin comme à chaque fin d’article, un petit exercice:

Où en est l’équilibre de vos valeurs?

Voici une fiche que j’utilise souvent en thérapie. Peut-être celleci vous aidera-t-elle à établir l’harmonie au sein de vos valeurs.

A bientôt,

Yannick



Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.

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