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Savoir gérer le sentiment d’incertitude. Du désir de vérité à l’anxiété généralisée

Terminons ces quatre sessions sur la psychologie de l’illusion par un point final : Améliorer sa tolérance à l’incertitude.

 

 Dans un monde où tout est censé se savoir, où tout se dit et se montre, notre degré de tolérance au flou, au mou, à l’invisible, se réduit peu à peu et occasionne, chez certains, ce que l’on appelle de l’anxiété généralisée. Peur de tout et de rien.

Comme nous allons le voir, avec l’exemple de Socrate (rassurez-vous nous allons le faire avec simplicité), si nous sommes honnêtes : nous savons que nous ne savons pas. Or, parfois, nous oublions cela et cherchons à contrôler l’incontrôlable. Sonder l’insondable tels des devins ou autres télépathes. Et, dans certains cas, cela peut  même nous emmener, comme avec Ulysse, attiré par les sirènes du contrôle, dans les abimes de l’âme. À ne plus pouvoir en vivre sereinement.

Comment avancer dans ce monde incertain ? Invitons maintenant Socrate et Platon pour nous aider à cela.

Histoire de vous planter le décor et du pourquoi nous utilisons ce petit ouvrage « l’apologie de Socrate » de Platon : Les responsables de la vie d’Athènes veulent la peau de Socrate et, comme on accuserait son chien d’avoir la rage pour mieux le tuer, Socrate est accusé de pervertir la jeunesse avec son savoir. Lui, semble-t-il, sait tout. Or, la défense de celui-ci est justement de dire « qu’il sait qu’il ne sait pas ». Que sa grande sagesse est de savoir et connaitre les limites de son savoir et que l’on ne peut lui reprocher de transmettre quelconques hérétiques savoirs puisqu’il n’est pas savant mais bel et bien ignare.

Qu’est-ce que l’intolérance à l’incertitude ?

C’est ainsi une tendance à vouloir tout contrôler, à avoir du mal à ressentir ce sentiment d’angoisse de ne pas savoir ce qui va se passer. Avoir peur de tout ce que l’on ne peut pas contrôler. Suivent alors des ruminations anticipatoires, on pense à ce qui va se passer dans X mois en espérant trouver quelconques présages, nous passons notre temps à établir des scénarios, à l’avance, en espérant que, ce fameux plan, se passe sans accro. C’est aussi  contrôler nos proches, pour ne pas dire nos enfants, et de vouloir les garder, au chaud, sans aucune raison valable. Or, dans ces cas précis ce n’est pas vraiment l’incertitude que nous cherchons à contrôler mais bien cette désagréable angoisse qui nous tord le bide. Et, à chercher à la repousser, elle revient sans fin.

 

 

Comment développer sa tolérance à l’incertitude ?

 

Je sais que je ne sais pas… et c’est comme ça.

 

Premièrement, dans la phrase de Socrate il y a faire preuve d’acceptation. Accepter que nos sens soient limités, accepter que l’on ne peut pas savoir. Faire preuve d’humilité. Accepter, c’est aussi  apprendre à faire de la place à ce sentiment désagréable : l’incertitude. En lui faisant de la place nous nous libérons d’une épuisante lutte perpétuelle car, plus on veut savoir, plus on angoisse de ne pas savoir. En effet, plus on a d’attentes sur les choses sur lesquelles on n’a pas de contrôle plus on augmente notre degré d’incertitude et surtout notre degré d’impuissance.

Vous trouverez dans cet article une explication plus complète de l’Acceptation  Qu’est-ce que l’acceptation ?

 

 

Ce que nous dit Socrate c’est que faire preuve d’acceptation c’est ainsi se libérer d’une anticipation, d’un vain contrôle du monde. Avoir des attentes réalistes nous aide à mieux tolérer ce monde incertain. Baisser ses exigences. En effet, plus nous attendons à ce que quelque chose se passe avec des critères bien précis, plus les chances que cela ne se passe pas comme prévu augmentent en flèche. Comme par exemple attendre, lors d’une fête que vous organisez, à ce qu’il fasse beau, 25°, que tous les invités viennent à l’heure, que la belle mère ne vous fasse par de remarque et qu’aucun.e n’aient la même tenue que vous…. et que tout ce passe comme prévu… or rien ne se passe jamais comme prévu. Miser là-dessus c’est, assurément, se vouer à de grandes angoisses avant et de mornes déceptions après.

 

Lâcher prise sur le temps pour mieux prendre le temps d’en profiter

 

Ce n’est pas très sexy, je vous l’accorde mais, en limitant nos attentes, c’est bien notre souffrance qui s’en trouve améliorée. Moins de temps à revoir nos plans égal plus de temps pour vivre l’instant présent, ce que nous aborderons dans le chapitre d’après. Mais surtout, en acceptant que nous ne savons pas c’est aussi redonner à la vie cette capacité à nous surprendre, cette capacité à nous émerveiller. Si tout est prévu, que nous reste-t-il à rêver ? Accepter qu’il y ait des angles morts dans nos perceptions, c’est ainsi se donner la possibilité d’une vie de découverte. Ce qui n’est pas rien dans un monde où tout est montré, tout semble connu. Heureusement que nous ne savons pas tout sans quoi la vie s’arrêterait.

Je sais que je sais … ici et maintenant

Or, il y a tout de même quelque chose que nous savons ici, là, maintenant, du sonnant et trébuchant : cela s’appelle instant présent. Le seul instant qui, à la lumière du passé s’appelle expérience et mémoire, qui est le seul moment où le futur prend sa source, ce présent d’un futur naissant. L’instant présent, ce moment de plus forte certitude.

 

Ecoutez ce podcast pour en savoir plus :  s’installer dans l’instant présent

En méditation de pleine conscience, ce serait voir ce qu’on voit, entendre ce que l’on entend avec une présence. Telle une photographie argentique, plus le temps de pose est important plus on mémorise et fixe ces beaux moments et plus ces perceptions sont fiables.

 

Pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps. Gustave Flaubert

 

Je sais que je sais aussi… où je vais

Autre point de certitude, nos directions de vie, nos valeurs. Une autre façon de contrecarrer l’incertitude de la vie c’est de toujours garder en tête la direction que l’on veut prendre. En effet, on ne sait pas comment cela sera lorsque nous serons à destination mais ce que nous savons c’est que c’est important pour nous d’y aller. Savoir identifier ses directions de vie c’est ainsi se donner un peu plus de certitudes : c’est important pour moi et je le sais. En ACT, ce serait apprendre à identifier ses valeurs, (plus d’infos dans cet article Eclaircir ses directions de vie ) que l’on peut trouver avec cette phrase

  • « C’est important pour moi de faire preuve de …. » ajouter la qualité après.

C’est ainsi, anticiper un entretien d’embauche et se dire c’est important pour moi de faire preuve de « rigueur, de motivation, d’affirmation de soi ». Je ne sais pas comment cela va se passer mais je sais quelles valeurs je veux incarner. Ceci ouvre ainsi sur l’agir.

Je sais que je sais aussi… comment je veux agir

Je ne sais pas comment cela va se passer, je ne sais pas si ce que je perçois est totalement vrai  ou non (nous l’avons entrevu précédemment) mais ce que je peux savoir c’est est-ce que je fais là maintenant me rapproche ou non de mes valeurs ? Autre moment de certitude, ce sont bien nos actes, ici et maintenant, que nous pouvons identifier. Ainsi, dans les moments où l’on ne sait pas quoi faire, à l’heure des choix incertains, il peut être utile de se dire :

 

  • « Que ferait la personne que j’aimerais être »

 

  • « Si mes enfant me regardaient, qu’aimerais-je qu’ils me voient faire ? »

 

Et s’engager, quitte à rater, apprendre et recommencer (donc augmenter son degré de certitude)

 

 

Ainsi, apprendre à accepter que nous ne savons pas tout, c’est se libérer de vaines attentes, c’est aussi retrouver le gout de la surprise et de la belle découverte. Apprendre à savoir ce que l’on sait, c’est ainsi porter son attention sur le seul moment digne d’attention, l’instant présent, le seul qui créé des souvenirs et installe, en nous, le sentiment d’avoir vécu. C’est aussi garder ses directions de vie en tête, je sais où je vais et comment je veux le vivre. Nous n’avons alors pas de pouvoir sur les vagues, l’océan du temps, la mer des possibles, mais bien la possibilité de les surfer à notre guise.

Socrate a raison, nous savons que nous ne savons pas, et nous  pouvons rêver, imaginer découvrir, contempler, voir, sentir et écouter ce monde, le seul qui nous soit offert. Tel est le chemin de bonheur, la voie de l’antique sagesse.

 

Voici donc ces quatre sessions clôturées, en espérant qu’elles vous aient aidées à cheminer,

 

Bonne semaine

 

Yannick 🙂