Psycho-Savoirs

Burnout, quand tu nous tiens… la performance au travail en question

Bonjour à tous,
 
Ce mois-ci j’aimerai vous parler de l’intérêt de la philosophie, de la psychologie dans la gestion de la performance au travail afin d’éviter la surchauffe, le fameux burn out.
 
Évidemment, cet article rejoint un autre article paru sur le stress. Mais cette fois-ci, j’aimerai envisager avec vous non pas le problème du stress (abordé dans cet article: Stress is life and life is life ) mais la façon dont on envisage la performance au travail. Envisager la performance d’une certaine manière peut conduire à une mauvaise gestion du stress.
Le monde du travail s’étant resserré ces dernières années, la notion de productivité, de performance est plus que jamais d’actualité. Être performant c’est garder son travail, ne plus l’être s’est risqué de le perdre… Cette pression implique de l’anxiété, de la souffrance. Voyons comment y remédier.

Performance et hyper-performance

 
L’anxiété de performance est une réaction d’appréhension, une tension physique et psychique dans des situations où notre performance, notre activité peut être jugée peu aboutie par autrui.

Premier exemple:

 
Serge travaille comme comptable dans une entreprise de BTP depuis 11 ans. Serge n’a jamais eu de souci particulier jusqu’à ce que son entreprise change de directeur, qui instaure depuis son arrivée une évaluation des activités de chacun: 
Le fait que le travail de Serge soit contrôlé génère chez lui ces pensées: « que va dire mon patron si je ne travaille pas assez ? », il faut que je travaille plus vite et mieux, sinon je vais finir dehors ». Ces pensées génèrent alors des sensations d’oppression, ses mains tremblent, sa respiration s’accélère, tout cela associés à des émotions de peur, de colère et des troubles de concentration. Avec ces symptômes Serge travaille moins vite et cela se voit, ce qui l’oblige ainsi à redoubler d’efforts et ainsi de suite…
 

 Second exemple:

 
Sylvie est commerciale, son salaire dépend directement des contrats signés. Elle travaille donc sans cesse pour augmenter son chiffre et donc son salaire. Grisée par les chiffres que lui donne hebdomadairement son manager, elle augmente sans cesse sa charge de travail. Elle est plus performante certes, mais elle finit par s’épuiser pour atteindre le chiffre d’affaire prévisionnel fixé, qui devient finalement inatteignable…
Ces deux personnes aux profils distincts envisagent la performance selon un même angle. L’un comme l’autre érigent la performance comme un but idéal. Ce but idéalisé n’est alors jamais satisfait, jamais atteint et génère un sentiment d’impuissance.

Performance, productivité, efficacité

La performance revêt donc deux visages, l’un empreint de peur, l’autre de challenge. Atteindre cette performance est donc périlleux selon la façon dont on s’emploie à la réaliser.
Et si la performance n’était pas un but mais un état ?
Explications. Ce que vous avez pu lire dans les exemples précédents pourrait s’appeler la course à la productivité. En clair, produire plus et mieux au moindre coût. Si vous êtes habitué à consulter ce blog vous savez sûrement que nos comportements sont conditionnés par nos choix (et leurs conséquences) et, telle une addiction, la productivité peut nous faire perdre nos moyens.
Et si la performance était donc un état, une balance entre mes ressources disponibles et le travail à fournir? Cet état s’appellerait efficacité. La charge de travail et nos ressources sont variables dans le temps, cette stratégie permet à tout instant d’adapter cette charge au mieux de ses possibilités. En rugby, cela s’appelle savoir gérer ses temps forts et ses temps faibles et ainsi pouvoir passer de 150% à 60% s’il le faut. C’est ce que j’appellerai de la performance durable, être performant régulièrement et longtemps.

 Homo Productivis

Passer de la productivité (centré sur le gain intrinsèque) à l’efficacité (centrée sur l’exploitation du potentiel) implique une gestion de la performance différente. En effet, je peux admettre de moins produire sans pour autant être moins efficace. Produire moins parce que la situation présente ne me permet pas de produire plus.
C’est également cette conception que François Jullien aborde dans son livre sur l’efficacité. Il y développe deux conceptions, deux stratégies de la performance.

La philosophie au service de l’efficacité

Deux conceptions de l’efficacité

La vision occidentale

La vision occidentale de l’efficacité est représentée par Napoléon et son penseur Clausewitz. Elle est alors centrée sur un idéal auquel nous cherchons à faire correspondre nos actions. Ceci consiste d’abord à échafauder le but idéal pour ensuite faire correspondre les moyens. C’est alors un raisonnement qui fait fi de l’instant présent et cherche la solution parfaite. Pour cela nous devons envisager toutes les solutions menant au but. Ceci implique  alors une grande dépense d’énergie (ce qui explique que Napoléon employait une armée d’un million d’hommes…).
Ici donc le regard est porté sur l’avenir, sur le but. L’inconvénient est que nous ne pouvons pas tout prévoir ou du moins, pour prévoir le maximum d’éventualités, cela mobilise beaucoup d’énergie. Prévoir l’imprévu, cette approche est celle qui nous habite, celle qui s’est insérée dans notre culture sans même que nous nous en rendions compte. En effet, le culte de la performance à tout prix, le culte du succès au prix fort est valorisé à tous moments dans notre société.

 No pain no gain

 
L’inconvénient majeur est qu’il est impossible de prévoir toutes les contingences (les événements imprévus). C’est alors que le but est bien souvent inatteignable dans la vision parfaite que nous en avons et peut alors nous faire souffrir où nous coûter beaucoup d’efforts au détriment du reste. Notre regard reste centré sur l’espace qui nous reste à combler pour atteindre le but, plutôt que d’observer le chemin déjà réalisé. Ces deux regards n’impliquent pas la même motivation, vous en conviendrez.
 

La vision chinoise

  La vision chinoise avec Sun Zu et Lao Tseu aborde la performance d’un autre regard. La philosophie chinoise s’ancre dans l’içi et maintenant. Il n’y a pas de but prédéterminé seul l’exploitation de la situation présente compte. Cette approche n’offre alors que deux choix : s’approcher ou s’éloigner de ses intérêts. Le bon ou le mauvais choix.  L’observation attentive de la situation présente permet alors de décider des choix à faire, de telle sorte que de la succession de bons choix ne peut résulter que le succès.
Ici l’imprévu fait partie du jeu, le succès est alors dans l’art d’exploiter la situation présente : l’instant présent. Cette approche est alors plus économique puisque peu de choix à faire si ce n’est d’agir ou réagir face à la situation rencontrée, cela implique une attention focalisée sur l’instant présent.
 
La position est ici souple puisque nous nous adaptons en permanence à la situation et donc au meilleur de la performance disponible à l’instar de l’approche précédente rigide puisque obnubilée par le but à atteindre dans le temps, en négligeant d’en appréhender réellement les coûts.

Gagner sans combattre

Exemple, l’art du marathon: La vision occidentale représente plus un sprint, une course où l’on engage toute son énergie sans considération de ses ressources. Le marathon, symbolise plus l’approche chinoise, exige une fine connaissance de l’instant présent, ses ressources, le climat, le terrain, son mental. Nul ne peut prédire à l’avance comment sera la situation au kilomètre suivant. Seulement, si ici et maintenant le marathonien exécute le geste adapté au moment (boire, accélérer, ralentir), nul doute que le résultat sera au bout ou du moins qu’il aura engagé la performance maximale en fonction de ses possibilités à l’instant T, générant ainsi le maximum d’efficacité.
 
Comme vous pouvez le constater l’approche chinoise est attentive au contexte présent. Cette vision s’élargie donc aux autres contextes de la vie, y compris en dehors du travail.  
 

Performants partout ?

  La philosophie occidentale exige un surcroit d’activité, ce qui implique de puiser dans d’autres domaines de vie. Que se passerait-il si on élargissait la prise en compte de la performance à la vie personnelle. Sommes-nous si performants lorsque nos succès au travail impliquent une réduction de nos activités de loisirs nos relations familiales? Peut être pas… En effet, on sait aujourd’hui dans l’étude du stress que la négligence des activités de repos, de distraction et de relation aux autres conduit à une baisse de la performance au travail.
La performance au travail pour être efficace nécessite d’être durable. L’approche chinoise implique donc d’englober la performance d’une manière globale. L’efficacité au travail ne prend de sens qu’à partir du moment elle n’implique pas l’engagement des ressources indispensables à la réalisation de domaines de vie personnelle, ou à leur restriction.

De l’efficacité à l’efficience

Pour terminer sur ce thème philosophique, il y a un concept intéressant que l’on appelle l’efficience. L’efficience peut se traduire sous la forme de l’efficacité écologique : comment produire plus avec moins d’énergie ou comment observer un résultat identique avec un moindre niveau d’énergie dépensée ? Le principe de l’efficience est alors de réfléchir à notre performance et à la façon dont nous pourrions adapter nos ressources à nos efforts.

Exemple: Le « Super Manager »:

Jacques est « Super Manager » il est sorti avec un diplôme de MBA de xxxx et à envie de réussir comme tout super manager qu’il est. Il travaille et obtient des résultats. Mais Jacques culpabilise de prendre des vacances car pendant ce temps là, le travail n’avance pas. Alors il décide de « checker quelques mails, pour s’avancer ». Puis naturellement, le squash du mardi soir fini par disparaître car finalement travailler à la place lui permet d’être encore plus super manager. Les chiffres de Jacques montent en flèche et il s’en satisfait, il est « productif ». Est-il efficace? est-il efficient?  Non, car il passe toute son énergie dans son travail et à terme cette performance ne pourra durer puisque sans loisirs, ni vie personnelle, le burn out le guettera à un moment ou un autre.
L’efficience nous invite à considérer les vacances, les loisirs non pas comme des pertes de productivité mais bel et bien comme des « optimiseurs » d’efficacité. Si je prends une semaine de vacances, il se peut que je ne récupère que 50% de mon énergie, alors que 2 semaines me feraient certes perdre du temps mais me me permettraient de revenir à 100% de mon énergie. Un temps mort ne l’est jamais en basket, c’est un temps qui soutient, qui potentialise l’efficacité….

Pour une écologie de la performance au travail

L’efficience nous invite donc comme en écologie à faire l’inventaire des gaspillages d’énergie et ainsi privilégier les conduites efficaces. Prendre ou gérer son temps peut être alors efficace.
 
 
Exemple: Paul a remarqué qu’il était du matin et plutôt du début de la semaine. Il organise donc son travail délicat dans ces plages horaires. Sa zone de baisse d’activités se situant vers 16h30 et naturellement le Vendredi, il réserve durant cette plage horaire le travail impliquant le moins de concentration. Ceci permet à Paul de rentrer le soir sans avoir puisé dans ses réserves. Paul a remarqué que son niveau de performance baissait au bout de 10 semaines sans congés, il s’astreint alors à prendre quelques congés pour garder son efficacité au maximum.
 

Petit exercice:

Nous l’avons vu : tout est affaire d’adaptation de la réponse à la demande en fonction de ce qui est important pour soi ici et maintenant.
La métaphore est « A combien je roule »
Par moment, dans la journée, arrêtez-vous un instant, écoutez  votre corps, ce que vous ressentez, votre respiration, votre rythme cardiaque, vos tensions musculaires…. mixez le tout…. faites une moyenne
 

A COMBIEN ROULE VOTRE CORPS?

 

 

Deuxième mouvement. Observez la situation ou l’action que vous êtes en train de réaliser.

A COMBIEN DEVRAIS-JE ROULER?

Vous verrez spontanément votre corps s’adapter à la vitesse efficace.
Au mois prochain ! et soyez efficients!
 
Petites lectures:
Sun Tzu « L’art de la guerre »
François Jullien « Le traité de l’efficacité »
 

Psychologue aux multiples influences je base ma pratique de prise en soin sur la thérapie d'acceptation et d’engagement, la psychologie positive ainsi que les thérapies cognitivo-comportementales. En institution, en cabinet de ville, en formation professionnelle ou encore en tant que Blogueur ma vision de la personne en souffrance est bien celle d'une personne non pas "malade" mais plutôt "coincée": En devenir. C'est ainsi à travers une pratique mêlant psychologie, philosophie, humour et métaphores que je voue mon activité professionnelle à aider la personne à avancer vers ce qui compte pour elle.